864 REVUE DES DEUX MONDES. Oh ! la force de l'habitude ! — J'évoque ton âme, étrangère A ma douleur qui s'exagère Dans l'attente et la solitude ! Et cependant que se balance La chanson morte du silence, Je promène mon âme lasse D'être si seule dans l'espace... NE MAUDIS PAS L'AMOUR Toi qui meurtris tes doigts aux premières épines, Croyant que l'infini peut tenir en un jour, Rappelle-toi qu'il est des souffrances divines, Ne maudis pas l'Amour ! Toi qui bois le Bonheur à la coupe profane, Livre ton coeur frivole à l'ivresse d'un jour, Mais, devant le néant du plaisir qui se fane, Ne maudis pas l'Amour ! Et toi, qui vois languir une tendresse morte, Que les destins jaloux blessèrent jour par jour, En dépit de son deuil que ton âme soit forte, Ne maudis pas l'Amour ! C'est le levier du monde et l'axe de la vie ! Sur notre obscur chemin lui seul verse du jour : Et même si ta Joie est de douleur suivie, Mon coeur, mon pauvre coeur, ne maudis pas l'Amour ! HÉLÉNE SÉGUIN. |