172$ REVUE DES DEUX MONDES., Et le jeune homme sourit. Je ne me souvenais pas de l'avoir vu sourire. Il en était rajeuni. Il ne portait plus que vingt ans. Vingt ans, et tous les espoirs, et l'amour. Le prêtre se prêta à son caprice et sanctifia la maison vide. Lui aussi, prévoyant l'avenir, se réjouit. Redevenu un homme comme nous après le court office, il ajouta ce renseignement : - La maison est à François Ferley, qui en a une autre à Bonneval où il s'est installé. Vous l'aurez, Michel Gallice, pour une bouchée de pain. A quand le mariage ? Cette fois, Michel détourna la tête, pas assez vite pour nous cacher sa rougeur. XIV. LE SECRET DE MICHEL GALLICE Les plus petits n'étaient pas éveillés quand nous partîme9 de bon matin, Michel Gallice et moi, pour Cérésole Reale en Italie par ce col du Carro qu'il avait tant de fois traversé avant et après le meurtre. Mais Étienne Béard et l'aîné, Thomas, — j'allais dire son fils aîné, nous accompagnèrent un bout de chemin jusqu'à ce hameau abandonné du Mollard qui revivrait peut-être un jour. Par un de ces retours imprévus que la vie imagine, l'enfant s'était pris d'une affection soudaine pour le frère de sa mère, lui trouvant sans doute cette jeunesse et cette fraîcheur qui plaisent chez des parents. Nous eûmes toutes les peines du monde à le renvoyer : il aurait voulu nous suivre à travers la montagne. Quant à Etienne, il dit gravement à son beau-frère : - C'est convenu. Quand tu reviendras, tu prendras ta place à la maison. - Non, pas à la maison de l'Écot. Elle est à toi. Mais peutêtre dans une autre. - Dans une autre ? - Oui, une voisine. - A ton idée. Notre caravane ainsi réduite, nous remontâmes le cours de l'Arc dont la source était proche avant d'aborder le col. Michel marchait devant moi sur le sentier qui peu à peu se perdait. Nous n'échangions plus aucune parole. Lui devait ranimer ses souvenirs en posant ses pieds sur les empreintes d'autrefois, ou peut-être suivait-il son rêve. L'ascension fut |