834 REVUE DES DEUX MONDES épidémies, famines, désordres intérieurs ? Et les rhéteurs de la Ille Internationale sont-ils autre chose après tout que des klikouchi marxistes ? ** Rien ne ressemble plus à l'antique Moscovie que l'Union des Républiques Socialistes des Soviets. Électrification, communisme, athéisme, matérialisme ? un nouveau décor à la Potemkine : du socialisme en toc, des machines en carton et, pour remplacer le prolétariat, des figurants recrutés par la tchéka et conduits par des derviches-tourneurs. La première application du marxisme dialectique, biologique, historique, a rejeté en droite ligne la Russie moderne vers toutes les frénésies et vers toutes les déliquescences de son « époque trouble ». Des repris de justice au pouvoir, des querelles byzantines dans le clergé, la danse macabre du choléra et de la lèpre, la chair humaine vendue sur les marchés et, partout, la hantise et la soif du surnaturel, un épais grouillement d'imposteurs, de revenants, de devins, l'hystérie collective d'une nation aux prises avec la bête apocalyptique. Sous des titres où s'accumulent d'irrécusables aveux de détresse : « Retour au moyen àge », « Impénétrables ténèbres », « Victoire des popes », la presse de Moscou ne se lasse pas de stigmatiser l' « obscurantisme » d'un peuple prédestiné à bolchéviser l'univers et qui s'acharne à confondre le communisme avec le règne de l'Anté-Christ ! La fédération soviétique tout entière est sillonnée de pèlerinages, la population revenue à l'état nomade pour faire la chasse aux miracles, pour retrouver Dieu, la Vierge, les Saints expulsés par la G. P.O. Aux environs de Kief, où les guerriers de Vladi mir avaient noyé leurs idoles, des icones soudain se mettent à verser des larmes ; les croix distillent du sang dans les bourgades de Volhynie et de Podolie ; près de Poltava, les rameaux sécrètent de l'eau bénite ; à Saltykovo, un ruisseau reflète le visage divin du Sauveur... Autour de tous ces sanctuaires improvisés, d'immenses multitudes bivouaquent en plein air, clouent leurs images saintes aux troncs des arbres transforment les forêts en tabernacles, s'épuisent en cantiques et en prières. Trop souvent, à la grande satisfaction des soviets, des charlatans s'empressent de monnayer ces |