« dossier : École et République > les figures de l’École dans la République Vers l’unification et la modernisation du professorat. page 24 > la revue de l‘inspection générale 01 « ressée propre aux humanités classiques, et réinvestir la tradition libérale des universités médiévales 6. Les attaques dont les professeurs sont l’objet tout au long du 19ème siècle, notamment de la part des autorités de l’Etat, ainsi que la naissance du mouvement amicaliste (ferment du syndicalisme enseignant du 20ème siècle) donnent crédit aux analyses portant sur la puissance et la permanence d’une idéologie universitaire autonome. A la fois désintéressée et élitiste, la corporation universitaire ne se soumet à la contrainte de l’Etat que si celle-ci ménage ses intérêts. Condorcet avait prévenu les conventionnels en 1792 des dangers de ce corporatisme 7. Soixante ans plus tard Fortoul en fera la difficile expérience avec sa tentative inachevée de réforme du recrutement et de la spécialisation des professeurs, rapidement démantelée après sa mort en 1856. La IIIème République proclamée, ces idéaux vont se trouver confortés par des gouvernants marqués par des conceptions assez élitistes, voire aristocratiques de la république ; et les professeurs vont disposer progressivement des moyens de leur unité interne et de leur rayonnement externe. En 1876, les lycées ne comptent que 2 350 professeurs et 1 600 répétiteurs, les collèges communaux 3 430 régents et maîtres d’études. Les fonctions y sont toujours très hiérarchisées : professeurs et répétiteurs, agrégés et licenciés, normaliens et anciens maîtres d’études, provinciaux et parisiens. Les répétiteurs ont des perspectives de carrière restreintes par le faible développement de l’enseignement secondaire, mais aussi par le système des « recommandations » et la mainmise des normaliens sur les chaires des lycées parisiens, postes dont les revenus font de leurs titulaires des membres à part entière de la bourgeoisie 8. Mais progressivement les mérites - attestés par les inspecteurs généraux - vont l’emporter sur les recommandations, les carrières se débloquer et la mobilité, géographique et fonctionnelle, se développer. Lorsque chacun pourra se reconnaître dans une élite devenue moins inaccessible, la fierté méritocratique, la hiérarchie des prestiges et le jacobinisme pourront s’épanouir dans le corps tout entier. La réforme de 1902 représente une étape essentielle vers cette unification et cette modernisation du professorat. A la fois pédagogique et administrative, elle débouche notamment sur une redéfinition de l’univers professionnel des enseignants : les conditions de rémunération, de travail, de carrière des professeurs s’affranchissent des ressources des établissements grâce à une participation financière accrue de l’Etat, et s’attachent désormais aux individus et aux catégories de fonctionnaires 9. Le nouveau statut des répétiteurs en fait des fonctionnaires enseignants à part entière, alors même que les professeurs sont contraints de surveiller eux aussi les récréations 10 ! Mais surtout, la loi du 7 avril 1908 uniformise la gestion des carrières en instituant l’avancement automatique, au choix et à l’ancienneté ; le décret du 24 juin 1910 unifie et revalorise le régime des traitements, en resserrant fortement la hiérarchie des salaires ; enfin le décret du 6 septembre 1913 améliore le système du classement et du reclassement en le fondant sur l’ancienneté des services. |