2 Luxembourg VENDREDI 23 JUILLET 2021/LESSENTIEL.LU « Nous allons recommencer car c'est notre existence » ECHTERNACH Une semaine après les crues, les sinistrés tentaient d'effacer jeudi leurs doutes pour l'avenir. J+7. Étrange ambiance à Echternach. Si des terrasses revivent, certains commerces restent fermés. Ou plutôt grand ouverts pour sécher... totalement vides et abîmés. L'eau, montée à plus de 1,50 m une semaine plus tôt, a laissé des traces sur les murs, des odeurs aussi, et délavé les âmes. Il ne reste rien du magasin de bijoux et décoration de Hecoet Monika, rue de la Gare. Malgré leurs efforts, « l'eau est montée trop vite ». Parents de trois enfants, ils ont dû quitter leur logement situé au-dessus, en canot avec les pompiers. Depuis leur retour, ils nettoient. Heureusement, ils étaient assurés. Ouverts depuis un an, il y a eu le Covid puis cette catastrophe. « Mais nous allons recommencer, c'est notre existence ». Certains s'arrêteront là. « On a pu sauver la collection de vêtements. On va la vendre et le mois prochain c'est fini », lance Hams, dont la crue va précipiter la retraite. Une pâtisserie, une boutique de cadeaux ne rouvriront pas non plus. Lucia, dans son magasin de lingerie, va tenter de tenir. Pas assurée, elle montre une boîte, pleine des étiquettes « Comme une lumière dans l'enfer » LUXEMBOURG Les crues ont déclenché une vague de solidarité. À l'instar de Michel François, résident du Grand-Duché depuis 20 ans, d'origine belge, qui a apporté son aide dans les deux pays. « J'ai demandé trois jours de congé à mon patron », dit-il. Nourriture, boissons, matériel : le Luxembourgeois a rempli une remorque destinée à la Croix-Rouge luxembourgeoise et est aussi parti en Belgique avec un camion qui lui a Michel, résident au Luxembourg, a pris des congés pour aider. été prêté gratuitement. Le chiffre du jour 120 millions C'est en euros, le coût estimé des dommages dus aux inondations, selon l'Association des compagnies d'assurances (ACA). 6 000 dossiers de dommages aux habitations ont été enregistrés et 1000 véhicules sont hors d'usage. C'est « la catastrophe la plus coûteuse de l'histoire de l'assurance luxembourgeoise », dit l'ACA. Hecoet Monika nettoient leur boutique et devront prévoir d'importants travaux. -PHOTO : NICOLAS MARTIN de produits jetés. « Même en 1993, l'eau n'était pas montée jusqu'ici », explique-t-elle, regrettant de n'avoir pas été assez alertée jeudi dernier. Elle chiffre à 50 000 ou 60 000 euros les dégâts et craint pour la saison touristique. « Des hôtels aussi ont été inondés ». Sur la dépanneuse de Patrick, l'eau s'écoule d'une voiture. « J'en suis à 35. LUXEMBOURG Une semaine après les inondations, des agriculteurs du Nord se disent « encore un peu sous le choc », comme Claude Hilgert, dont Celle-là a deux mois. J'en ai emmené une qui avait un jour. Il n'y a plus de place dans les garages pour les déposer ». Dans la rue, on parle assurance, aides de l'État. Un livreur explique à une vieille dame, dans un garage ouvert, comment fonctionne sa nouvelle machine à laver. On repart de zéro. NICOLAS MARTIN « On a dû évacuer 45 vaches » La ferme de Claude Hilgert, à Moesdorf, submergée. -PHOTO : HENRI KRIER « Pour des millions d'euros de dégâts » « L'essentiel » : Quelle est l'étendue des dégâts pour la commune ? Yves Wengler, bourgmestre d'Echternach : L'évaluation se poursuit. Il faut voir ce qui est réparable et ce qui ne l'est pas. Avec le hall sportif, la piscine, l'ancienne école, un petit musée, on parle de millions d'euros. Qu'en est-il de la question des assurances ? Nous n'avions pas d'assurance contre les intempéries, mais d'un autre type. Nous allons introduire des demandes d'aides auprès de l'État pour la commune. Les particuliers et commerçants doivent introduire les leurs pour ce qui n'est pas couvert. Pensez-vous augmenter la hauteur des protections contre les crues ? Nous en avons déjà et nous ne pouvons pas non plus les relever à deux ou trois mètres. Ce serait déplacer le problème. Ensuite, c'est Wasserbillig ou nos voisins allemands le long de la Sûre qui seraient plus impactés. On ne peut pas faire ça. Il faut partager les dommages. l'exploitation à Moesdorf a été durement touchée. Des images aériennes témoignent du désastre. L'homme, qui possède 90 vaches, dont plus de la moitié de laitières, a vu ses étables totalement inondées. « On a dû faire évacuer 45 vaches laitières sur des remorques pour les traire », dit-il, d'une voix fatiguée. Épaulé par son fils étudiant, il craint que la crue n'ait drainé des déchets et matières dangereuses pour ses bêtes. « C'est ici qu'elles se nourrissent. Il faut être vigilant », note Pol Hilgert. Les vaches, perturbées, pourraient donner moins de lait pendant quelques jours. Plus au nord, à Cruchten, Guy Noesen a eu plus de chance. Une digue de sacs de sable a protégé sa centaine de vaches. Mais du matériel dans son hangar n'a pas survécu. Selon le Service d'économie rurale du ministère de l'Agriculture, il est encore trop tôt pour chiffrer les dégâts pour le secteur. |