Focus sur le bassin de Corse Saveriu Luciani Président de l’Office d’équipement hydraulique de Corse (OEHC) Vice-Président du comité de bassin de Corse Conseiller exécutif de l’Assemblée de Corse A quels enjeux spécifiques sera confrontée la Corse dans les prochaines décennies ? Notre île est confrontée à trois enjeux majeurs  : quantitatif, qualitatif et énergétique. Les besoins en eau de notre territoire sont spécifiques et il convient d’en tenir compte en anticipant les projets d’aménagements. À la consommation de la population (330 000 habitants) et de l’agriculture, s’ajoute celle de près de 3 millions de touristes, sur la période estivale. Au regard de notre spécificité insulaire, nous ne pouvons compter que sur nos ressources propres, avec une capacité de stockage de 107 millions de m 3. Notre ressource provient pour moitié de nos équipements hydrauliques et pour le reste des quatre barrages EDF. Il faut aussi savoir qu’en 30 ans, la ressource des rivières a baissé de près de 15% en moyenne, sans compter la hausse des températures (de 1,5 à 3 degrés). Après une année 2017 très sèche, nous connaissons une année 2018 très pluvieuse, toutes deux caractéristiques du dérèglement climatique, il faut anticiper sur le long terme et changer de paradigme et de culture en matière de gestion de l’eau. Dans ce contexte, le changement climatique représente pour la Corse, le grand défi du 21 ème siècle. TERRITOIRES Le bassin de Corse vient d’adopter son propre plan d’adaptation au changement climatique. Quel en est le contenu ? Avec quelle portée ? Notre plan constitue une feuille de route qui cible les actions prioritaires et spécifiques, soit plus d’une cinquantaine de mesures. Sur la base d’un diagnostic préalable, quatre régions de grande vulnérabilité ont été identifiées  : le Sud Est, la Balagna, le Cap Corse et le grand Bastia. Sur ces territoires très peuplés et à vocation touristique, la ressource hydraulique, la biodiversité et l’aménagement du territoire constituent des enjeux forts. Les préconisations du PBACC visent par exemple à limiter la densification des constructions en zone littorale. Il s’agit aussi de développer des systèmes de culture qui anticipent les sécheresses à venir, en définissant un partage équitable de la ressource. C’est pourquoi une véritable gouvernance territoriale s’impose, avec un cadre de compétence élargi, permettant ainsi de garantir la parfaite maîtrise des grands projets. À ce titre, le PBACC prend donc une opérabilité transversale servant de référence aux divers documents de planification, comme le Schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE) et le Plan d’Aménagement de Développement Durable de la Corse (PADDUC). Quels sont les autres moyens déployés ? Dans la continuité du Plan Exceptionnel d’Investissement (PEI), dont on a pu jusqu’à présent constater l’insuffisance des moyens, nous présenterons bientôt le plan Acqua Nostra 2050 (« Notre eau ») base programmatique de l’aménagement hydraulique de l’île. En effet, face aux conséquences du réchauffement climatique (étiages sévères et crues brutales), les ruptures d’alimentation en eau dans certaines régions, notamment celles où la pression touristique estivale et les faibles ressources coïncident, devraient s’accentuer. Aussi, dans le cadre d’un Programme pluriannuel d’investissement (PPI), nous devrons développer nos capacités de stockage, afin de pallier les pénuries potentielles, en nous inspirant des principes de nos voisins sardes. Ils sont en effet engagés dans une politique pluriannuelle de gestion de la ressource. L’Eau magazine novembre 2018 n°32 49