Marchés Nouvelles directives européennes marchés publics et concessions : une harmonisation partielle pour le secteur de l’eau Une nouvelle législation sur les marchés publics et les contrats de concession a été adoptée par le Parlement européen et le Conseil, sous la forme de trois directives publiées le 28 mars 2014. Celle qui porte sur les concessions fait débat. Un rapport critique élaboré par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a été publié en février dernier. Le député de Gironde Gilles Savary, auteur du rapport avec Arnaud Richard, député des Yvelines, est revenu avec nous sur ses inquiétudes pour le secteur français de l’eau et la distorsion des règles de la concurrence. Gilles Savary, député de la Gironde. 40 Les trois directives Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE. D.R. Pourquoi trois directives ? Deux concernent les marchés publics, une les concessions. Un marché public, c’est une commande publique de biens et de services. Alors qu’avec une concession la puissance publique délègue une de ses missions à un tiers. Les deux notions sont souvent confondues mais elles n’ont rien à voir. À noter que l’eau potable est exclue de la directive « concessions », contrairement à l’assainissement et aux contrats incluant à la fois assainissement et eau potable. Qu’entraîne cette exclusion ? La directive énonce les conditions dans lesquelles les concessions doivent être conclues en Europe. Le but est d’instaurer une équité, avec des règles identiques dans tous les Étatsmembres. Le fait que l’eau potable en soit exclue ne signifie pas que les concessions sont interdites dans ce secteur ; en revanche, cela signifie qu’il y aura une multitude de règles différentes. Les conditions d’une concurrence équitable n’existeront pas : il n’y a pas de marché intérieur de l’eau en Europe. C’est la conséquence la plus grave de cette nouvelle directive. Il y a d’autres sources d’inquiétude ? Oui. Notamment, le principe de la régie péniblement défini par la Cour de Justice des Communautés européennes vient de sauter. Ce principe reposait d’une part sur le fait que la régie est 100% publique et d’autre part sur le fait qu’elle peut avoir un monopole sur son activité mais ne peut intervenir au-delà des limites de la collectivité qui l’a créée. Or le nouveau texte explique qu’une régie peut réaliser 20% de son chiffre d’affaires (CA) à l’extérieur et qu’elle peut faire travailler toutes les entreprises qui lui sont liées sans recourir à appel d’offres. Selon moi, cela n’est plus conforme aux principes d’une concurrence libre et non faussée : une grosse régie d’eau, comme la Stadtwerke de Munich avec ses 4 milliards d’euros de CA, pourrait aller réaliser 800 millions de CA ailleurs sur le marché, alors qu’elle a le monopole chez elle. Que conseillez-vous ? Il faut que la loi française de transposition de cette directive soit très restrictive, qu’on revienne en réalité à la loi Sapin, dans laquelle les régies ne peuvent pas aller à la concurrence en-dehors de leur collectivité d’origine. Nous risquons de nous heurter à la directive, qui dit le contraire ; mais c’est selon moi plus conforme au droit européen de la concurrence. Propos recueillis par Caroline Kim Des marchés publics plus ouverts Les directives marchés publics demandent de retenir « l’offre économiquement la plus avantageuse ». Une expression qui ouvre largement les critères d’attribution au-delà du seul critère prix, puisqu’il est possible d’inclure le calcul du coût du cycle de vie, des aspects qualitatifs (service après-vente, date de livraison...), environnementaux et/ou sociaux (accessibilité...). Par ailleurs, les députés ont introduit une nouvelle procédure pour encourager les soumissionnaires à proposer des solutions innovantes, et les règles pour détecter les « offres anormalement basses » ont été renforcées. Enfin, plusieurs mesures sont destinées à simplifier l’achat public et à favoriser l’accès des PME. Notamment le principe d’auto-déclaration au stade de la candidature, seul le candidat retenu devant fournir les documents originaux, ou encore la dématérialisation des dossiers et la division de contrats en lots. L’eau magazine juin 2014 N°23 |