Dossier - Micropolluants 72 Des polluants découverts par hasard Il y a quelques années, le laboratoire de l’Institut d’hygiène de Bonnen Allemagne a effectué une analyse chromatographique – qui n’était pas exigée par la réglementation – sur des eaux du robinet de la région de la Ruhr. « Un pic anormal est apparu, et il s’est avéré que c’étaient des composés perfluorés provenant, probablement, de boues d’épuration contaminées par l’industrie et épandues », se souvient Philippe Hartemann. De même en France, c’est une campagne exploratoire nationale de Pour étudier les effets des polluants sur les écosystèmes, l’Ineris utilise un mésocosme, un dispositif expérimental clos qui simule à moyenne échelle les conditions d’un milieu aquatique. de l’ordre du million, voire plus. » Ce phénomène a par exemple été observé dans les années 1950 et 1960 à Minamata, au Japon. Un industriel local rejetait dans la baie ses effluents pollués au méthylmercure. Des pêcheurs y ayant pêché et régulièrement consommé des poissons ont été contaminés. Il y a eu officiellement 13 000 victimes, dont 900 morts. « La remontée de polluants par la chaîne alimentaire est sans doute le risque le plus important auquel soit confronté l’homme, en termes de contamination par des micropolluants présents dans l’eau » reconnaît Philippe Hartemann, professeur à l’Université de Lorraine. Pourtant, d’après Wilfried Sanchez, elle est encore très peu étudiée. L’eau potable très surveillée Une inquiétude qui refait souvent surface est, quant à elle, peu fondée : celle liée à la contamination de l’eau Ineris recherche de certains polluants émergents dans l’eau potable, organisée par l’Anses en 2012, qui a permis de découvrir la présence d’une molécule de la famille des nitrosamines (potentiellement cancérigène) dans la nappe souterraine qui alimente en eau potable certains villages de Seine-Maritime. Cela a conduit l’Anses à travailler sur des limitations de concentration en nitrosamines, des polluants qui n’étaient jusque-là pas réglementés. du robinet. « C’est l’aliment le plus surveillé en France », rappelle Philippe Hartemann. Ainsi, d’après l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pour les seuls pesticides et sur une période de trois ans (2007-2009) l’ensemble des données du contrôle sanitaire du ministère de la Santé représente plus de 5,7 millions d’analyses. L’Anses évalue ainsi les risques liés à l’ingestion de pesticides par l’eau du robinet : concernant le risque à long terme (chronique), « la contribution de l’eau à la dose journalière admissible (DJA) est faible : elle est inférieure à 1%, sauf pour deux substances et leurs métabolites : l’atrazine et le carbofuran aujourd’hui interdites. Pour ces substances, la contribution à la DJA est inférieure à 5%. (…) Concernant le risque à court terme (aigu), il n’est observé aucun dépassement des valeurs toxicologiques de référence », conclut l’Anses. Reste une interrogation concernant l’effet cocktail : ses risques sont encore très mal connus des scientifiques. Par ailleurs, des crises sanitaires peuvent toujours surgir : la liste de substances que la réglementation oblige à surveiller dans l’eau potable est bien entendu finie, et une molécule dangereuse peut se retrouver dans la ressource et aller jusqu’au robinet sans être détectée à temps. Dans ce cas, ce sont des études épidémiologiques, ou un simple hasard, qui peuvent permettre une détection (voir encadré). « Il faut prendre en compte les progrès scientifiques et améliorer la surveillance, en se lançant régulièrement dans des analyses plus complètes que ce qu’impose aujourd’hui la réglementation. La priorité est aussi, et c’est obligatoire en France, de faire une évaluation des risques autour des captages. Cela permet de collecter l’ensemble des paramètres liés à l’environnement du captage. Donc de mieux orienter les campagnes analytiques et de diminuer les coûts, » conclut le Pr Hartemann.C.K. L’eau L’eau magazine magazine novembre juin 2011 2013 N°17 N°22 |