Politique de l’eau Gestion de l’eau en France : pour répondre à des procès injustes et inutiles Par Jean Launay, député du Lot, président du Comité National de l’Eau (CNE) et Michel Rocard, ancien Premier ministre. 20 La démocratie de l’eau est vivante en France. Elle repose depuis longtemps sur une logique de concertation, celle-là même que nous envions parfois aux pays nordiques dans bien d’autres domaines, adaptée aux territoires de l’eau par-delà les frontières administratives. L’eau, essentielle à la vie, doit rassembler au lieu de diviser. Il appartient au politique d’instaurer la confiance et d’améliorer ce qui peut l’être, et non d’instiller de la défiance entre les acteurs de la communauté de l’eau. Or, la quasi-concordance de la sortie du rapport de Michel Lesage sur l’évaluation de la politique de l’eau et celle du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée ne relève pas du simple hasard. C’est, au contraire, le signe d’une préparation des esprits, progressive et souterraine, à un bouleversement, plus qu’à une réforme de fond, du système actuel de gestion de l’eau en France. Or, ce système a fait ses preuves, il est reconnu comme précurseur par l’Union européenne, et il constitue une expression originale de démocratie adaptée à son sujet. L’eau concerne tous les Français, lesquels estiment qu’ils ont droit à une eau de qualité et à un prix raisonnable. Ceci est légitime : notre pays, par ses caractéristiques géographiques, dispose de ressources confortables et régulières. Il s’agit donc là d’un bien commun, et il est normal d’éclairer les Français sur les termes du débat. Il faut donc rappeler quelques réalités concernant l’eau et sa gestion, réalités intangibles : Première réalité L’eau est liquide. Elle est insaisissable et file entre les doigts. De sorte qu’il n’y en a pas assez quand et où il en faudrait davantage, et qu’il en arrive encore quand et où il y en a déjà trop. Il faut donc maîtriser autant que possible cette eau indocile, ce qui est difficile, tant les moyens humains restent dérisoires face à la force de la nature. C’est donc un effort long, obstiné, et toujours recommencé auquel nous sommes soumis. Deuxième réalité L’homme est oublieux. La crise passée, on oublie facilement les désastres, crues, sécheresses, inondations et pénuries, c’est pourquoi il faut inscrire la gestion de l’eau dans le temps long, et prévoir les nécessaires travaux à une échelle pluriannuelle et détachée du temps électoral et du temps budgétaire. Troisième réalité La quantité et la qualité des eaux sont interdépendantes tout au long d’un bassin versant. Il s’agit d’un même écosystème : une pollution en amont altère à l’évidence la qualité de l’eau en aval et perturbe l’écosystème au long du fleuve. Il s’agit là d’une réalité physique qui modèle les comportements humains : il existe une solidarité de fait dans un même bassin versant et elle n’est pas seulement théorique. C’est pourquoi le modèle français de l’eau est fondé sur les agences de bassin, dont les décisions sont prises en pleine transparence et concertation ; dont le fonctionnement s’inscrit dans une échelle pluriannuelle ; et dont le L’eau magazine novembre 2013 N°22 |