Europe Des politiques transversales La Directive Cadre sur l’Eau exige la mise en œuvre de politiques transversales. Il faut prendre le problème dans son ensemble. Sandrine BÉLIER La Directive Cadre sur l'Eau, dont l'ambition est d'harmoniser les politiques de l'eau, tant sur les plans nationaux qu'européen, reprend et complète les réglementations antérieures (…) Sa mise en œuvre se révèle, dans les Etats membres et notamment en France, en dessous des nécessités. Nous savons désormais que 50% des masses d'eau françaises n'atteindront pas le « bon état écologique » imposé pourtant par la Directive Cadre sur l'Eau et repris par le Grenelle de l'Environnement fixant comme objectif 66% des masses d'eau en bon état d'ici 2015 (…) Un des plus grands obstacles au bon état des eaux est aujourd'hui la pollution diffuse (pesticides, nitrates, phosphore et nouveaux polluants émergents (…) Les nitrates restent une importante source de pollution. Les premières informations récoltées par l'Europe sur l'application de la Directive nitrates montrent d'ailleurs qu'encore 30% des cours d'eau ont subi une dégradation entre 2004 et 2007. Que ce soit pour les eaux souterraines ou les eaux superficielles, le ratio est le même : la qualité de 70% de ces volumes d'eau est restée stable ou s'est améliorée entre 2004 et 2007, tandis que 30% ont connu une dégradation en termes de pollution aux nitrates. Environ 15% des points de surveillance présentent en moyenne annuelle une concentration en DR DR Sandrine BÉLIER, Députée européenne Groupe des Verts Catherine GRÈZE, Députée européenne Groupe des Verts 56 L’école Française de l’Eau N°14 - NOV. 2009 nitrates supérieure à 50 mg par litre (qui constitue le seuil de pollution admissible pour la santé publique). La Directive Cadre sur l'Eau, qui est devenue la « directive mère » de la Directive nitrates, demande aux Etats membres de mettre en place des programmes de surveillance, sans toutefois avoir encore précisé s'ils se superposeront ou intégreront ceux de la Directive nitrates. Nous devrions donc connaître dans un avenir proche une révision de cette dernière (…) La situation nous impose de penser les instruments et les politiques de manière plus transversale et plus coordonnée. Catherine GRÈZE (…) Il y a quelques jours la prolifération record des algues vertes sur les plages bretonnes, ainsi que la reconnaissance de leur toxicité - voire de leur caractère létal - faisaient la une des journaux. Comment peut-on ainsi laisser s'aggraver la situation ? Dépollution, assainissement : chaque année, nous dépensons toujours plus pour rendre notre eau potable. En matière de lutte contre l'algue verte, par exemple, pas moins de 700 millions d'euros de fonds publics ont été dépensés depuis 1995 dans les programmes de dépollution. Ainsi, s'il est bien heureux que l'amélioration de la qualité des eaux fasse l'objet de mesures de préservation prévues par la Directive Cadre sur l'Eau, comment accepter que la politique quantitative de l'eau aboutisse aux effets inverses ? Il est donc temps de faire des choix responsables en matière de production agricole. Ainsi, pour envisager de retrouver une qualité satisfaisante de nos eaux, il est indispensable de repenser en profondeur les règles de notre PAC, qui n'incitent en rien les agriculteurs à économiser l'eau et à en préserver la qualité. L'Europe a donc le devoir d'accompagner le secteur agricole dans une nécessaire transition vers une agriculture biologique, seul mode de production épargnant son environnement. Les initiatives allant dans ce sens sont déjà nombreuses au niveau européen et prouvent que les mesures de ce type coûtent globalement moins cher à la collectivité qu'un traitement de l'eau curatif. Ainsi, depuis 1991, la ville de Munich encourage un passage à l'agriculture biologique sur les 2 250 hectares de terres agricoles situés à proximité des captages d'eau potable. Ce soutien passe par un accompagnement à la fois technique, financier et commercial coûtant 750 000 a par an à la municipalité, soit moins de 1 centime d'euro par mètre cube d'eau distribuée. A titre de comparaison, le coût de la dénitrification (évitée grâce à la politique préventive de Munich) est estimé en France à 27 centimes d'euros par mètre cube d'eau distribuée. Il existe aujourd'hui en Europe de nombreux exemples de ce type. Ils prouvent qu'en matière de gestion de l'eau, ce serait une erreur de ne s'intéresser qu'aux aspects purement curatifs plutôt que de prendre le problème dans son ensemble. Une erreur à la fois écologique, sociale et économique. |