4 SOCIÉTÉ xw n°16 juin 2011 LA DATE 22 JUIN Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe. Elle a pour principal objectif d’inciter les Français à prendre une décision sur le don de ses organes et à faire connaître son choix à ses proches. LE CHIFFRE 4580 malades greffés en 2009. COUP DE CHAPEAU À L’ASSOCIATION DONNER LA MAIN, DON DE SOI, À LYON. En décembre 2010, elle a suscité une campagne de sensibilisation sur le don d’organes. www.donner-la-main. org LE SITE Pour en savoir plus sur le don d’organes et acquérir votre carte de donneurs d’organes, allez sur le site de France ADOT (Fédération des associations pour le don d’organes et de tissus humains) : www.france-adot.org Solange Grosbuis est ancien chef de service des Urgences et de la Réanimation Médicale du CH de Versailles et ancienne présidente de la commission d’Ethique de la Société de Réanimation de Langue Française. DR Santé Don d’organes et religions Analyse. La religion d’un défunt est souvent invoquée par ses proches pour refuser le don d’organes. Qu’en pensent les grands monothéismes ? Donner l’un de ses organes, n’est-ce pas une magnifique expression de l’amour du prochain ? Pourtant, aussi louable soit-il, cet acte suscite de vifs débats dans l’opinion publique. Oscillant entre une profonde admiration à l’égard des donneurs et la crainte des dérives possibles (trafic international d’organes, marchandisation du corps humain, etc.), nos contemporains s’interrogent… Surtout, la question du don d’organes nous renvoie à nous-mêmes : et moi ? Est-ce que je décide de devenir donneur ? Ou bien, à l’inverse, est-ce que je refuse, par peur de laisser porter atteinte à l’intégrité de ma personne ou de transgresser un interdit ? Qu’en disent les grandes religions ? Signe des temps, en juin 2010, experts médicaux, anthropologues et représentants des différentes religions se sont mis autour de la table, à l’occasion de la journée nationale de réflexion sur le Selon vous, quelles données essentielles doit-on prendre en compte dans la question du don d’organes ? Si le donneur potentiel est décédé, le respect de sa volonté. En effet, au regard de la loi française, « qui ne s’est pas opposé, consent ». De son vivant, on peut signaler son opposition au prélèvement d’organes sur un registre spécifique ou à ses proches. Mais dans la pratique, l’entretien avec la famille du défunt aboutit à s’en tenir au désir des proches. Même si le donneur potentiel a donné un Les trois religions monothéistes sont ouvertes au don d’organes. don d’organes et les greffes (le 22 juin). « L’objectif principal était de tenter de lever les réticences sur le don d’organes et la greffe, souvent dictées par des considérations religieuses mal interprétées ou mal connues », expliquent les organisateurs, confrontés au manque criant de donneurs. TOUR D’HORIZON DES RELIGIONS « Le Coran autorise le don d’organes », a affirmé à cette occasion Saïd Ali Joussay, imam et aumônier musulman de l’hôpital Avicenne (Bobigny). « On peut prélever des organes à condition que le prélèvement ne cause pas d’ennuis ou de perte, si la personne est vivante. » Dans le judaïsme, les dons d’organes et de tissus sont encouragés, pour l’amour de l’homme, et pour l’amour de Dieu, comme « expression suprême de la dévotion, du véritable partage ultime : un acte religieux par excellence ». Qu’en est-il de la foi chrétienne ? Les papes soulignent aussi la beauté de « cette forme moderne 3 questions docteur Solange Grosbuis : « Pour sauver des vies » avis favorable, il n’est actuellement guère possible de faire des prélèvements contre l’avis des proches. Quelle solution préconisez-vous pour un plus grand respect de la volonté des personnes défuntes ? Demander que tout citoyen ait une carte mentionnant explicitement son opposition ou son consentement au don d’organes. On peut alors parler d’un « don solidaire » et d’un « choix assumé ». Cela soulève un autre problème car il semble que dans les pays de la charité » qui permet de « projeter au-delà de la mort notre vocation à l'amour ». De son côté, Benoît XVI est même aller jusqu’à témoigner que, pendant des décennies, il a toujours porté sur lui sa carte de donneur ! DES CONDITIONS Ouvertes au don d’organes, les trois grandes religions monothéistes souhaitent cependant que ce don soit réalisé dans des conditions pleinement respectueuses de la dignité de la personne humaine. Ainsi Jean- Paul II insistait sur l’importance de la définition de la mort : « Le critère adopté récemment pour déclarer avec certitude la mort, c’est-à-dire la cessation complète et irréversible de toute activité cérébrale, s’il est rigoureusement appliqué, ne semble pas en conflit avec les éléments essentiels d’une anthropologie sérieuse. » Donner de soi-même, oui, mais pas à n’importe quelles conditions. a Laurence Meurville Solange Grosbuis est expert dans le domaine du don d’organes. Elle insiste sur l’importance d’en parler de son vivant. BSIP pratiquant la règle du consentement explicite, les dons soient moins nombreux. Il reste alors à informer davantage la population. Il faudrait insister sur l’importance des greffes pour sauver des vies et sur le fait que les prélèvements sont faits dans le respect du défunt. Comment éviter l’instrumentalisation du corps humain ? En ayant toujours à l’esprit que la greffe n’est pas un droit, mais le résultat d’un don. a Propos recueillis par Laurence Meurville |