16 la foi en questions N°110/JANVIER 2020/D’ACCORD PAS D’ACCORD LE DÉBAT LE TRANSHUMANISME EST-IL LE SALUT DU MONDE ? Une chance extraordinaire pour toute l'humanité, le transhumanisme ? Les progrès techniques accomplis par l'homme qui lui rendent la vie meilleure ont aussi une face plus sombre : s’il est dans la nature de l’homme de dépasser sa condition, il ne peut dépasser sa nature sans s’auto-détruire ni altérer sa vie sur terre... LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET FRANCK DAMOUR 1 Lili Sans-Gêne Le transhumanisme c’est une chance extraordinaire pour l’humanité : franchir enfin toutes nos limites ! Nous pourrons voir mieux, entendre mieux, avoir plus de mémoire, courir plus vite, ne plus tomber malade, être plus forts, être plus intelligents… On a tout à y gagner ! Franck Damour Oui, de telles promesses sont inspirantes ! À vrai dire, parmi les caractéristiques de l’espèce humaine qui la distinguent des autres espèces animales, il y a cette aspiration à dépasser sa condition. L’homme n’a pas eu le seul souci de s’adapter à son environnement, mais aussi de dépasser des limites a priori insurmontables, perçues comme « naturelles » : voler, communiquer à distance et dans le temps, détruire aussi, se multiplier, etc. On pourrait dire de l’homme qu’il a toujours été transhumain… et inhumain à la fois ! Lorsque vous dites que le transhumanisme est une chance, il faut d’abord savoir de quoi l'on parle. Si par « transhumanisme », vous désignez la perspective offerte par le développement récent des technologies, on peut à juste titre se demander où est la nouveauté ! S’il n’y a rien de neuf, à quoi bon parler de « transhumanisme » plutôt que d'humanisme (au sens large) ? À quoi bon parler de « transhumains » là où il n'y a que de l’humain ? Si, par « transhumanisme », vous entendez un courant de pensée, une idéologie particulière, qui entend assigner un but aux développements technologiques – comme affranchir l’homme d'une condition perçue comme intrinsèquement mauvaise –, alors vous cherchez à guérir un homme malade de son humanité, tout simplement. Lili Sans-Gêne « Le transhumanisme ? On a tout à y gagner ! » Cette journaliste s’est toujours intéressée aux questions religieuses. Elle a lu la Bible. Elle pose sans complexe les questions que beaucoup n’osent pas poser. 2 Le progrès est indispensable pour que l’humanité s’améliore. Il est donc toujours une bonne chose et ceux qui s’y opposent sont des criminels ! Certains philosophes proposaient bien d'accuser James Watt, l'inventeur de la machine à vapeur, de « crime contre l’humanité », vu l’impact planétaire de la technique qu’il a contribué à stabiliser ! Il y a une véritable ambivalence dans les progrès techniques accomplis par l’homme, fort d’une double croissance de la nouveauté et de la destruction. Mais j'aimerais discuter la notion de « progrès ». C’est plus qu’une notion : c’est un récit, une promesse, un imaginaire. Il est indéniable que des évolutions technologiques ont augmenté la capacité de l’homme à se mouvoir, à se soigner, à communiquer, etc. Ces mêmes évolutions ont aussi accru sa capacité à s'autodétruire et à profondément altérer la Terre et le vivant. Je suis passé volontairement du « progrès », au singulier, aux « évolutions », au pluriel. Réunir en un unique ensemble des évolutions si dispersées est une vue de l’esprit : le « progrès » est une promesse et non un constat. Cette promesse sert bien des intérêts politiques, économiques : toute évolution technologique a une destinée complexe, elle dépend de toute une série de réseaux qui la rendent efficace. Une efficacité constamment remise en question ! L’amiante a paru efficace, or on la rejette. De même pour le DTT ou le nucléaire (aux yeux de certains)… Les concepteurs des réacteurs |