2 l’âme à vif N°110/JANVIER 2020/STÉPHANE BERN LE PAIR DE FRANCE Journaliste, animateur télé, écrivain, défenseur passionné du patrimoine, on ne présente plus Stéphane Bern. Cette « personnalité préférée des Français » est actuellement sur les planches et vient de signer deux ouvrages. Rencontre authentique avec un homme à l’enthousiasme communicatif et la générosité exceptionnelle. PROPOS RECUEILLIS PAR IRIS BRIDIER V ous avez choisi de rendre hommage aux femmes dans votre tout dernier tome de Secrets d’Histoire, pourquoi ? L’histoire est souvent écrite par les hommes qui oublient le rôle des femmes ! J’ai voulu les replacer au cœur de l’histoire de l’humanité, car sans elles nous ne serions rien. Pas même en vie. De fait, les femmes sont moins attachées à inscrire leur nom au fronton des monuments qu’à agir concrètement pour faire avancer la société et changer le cours de l’histoire. « À côté de tous les grands hommes, on trouve une femme aimée. L’amour est le soleil du génie » disait le poète Schiller. Elles sont « mère, sœur, épouse, amante, muse, mécène, alliée politique… » Qu’ont-elles en commun ? Les femmes, d’une manière générale, sans doute parce qu’elles donnent la vie, s’attachent moins à l’apparence du pouvoir et à ses attributs qu’à la réalité concrète de l’action sur le terrain. Elles sont sans doute plus pragmatiques et plus attentives au résultat qu’au chemin pour y parvenir. Je suis frappé du décalage entre le rôle joué par les femmes, un rôle que les hommes qui les entourent reconnaissent volontiers, et le silence assourdissant dont l’histoire les gratifie en remerciement. Passionné d’histoire, vous êtes également fervent défenseur du patrimoine. Pourquoi est-ce si important de sauver des vieilles pierres ? Sauver les vieilles pierres c’est nous sauver nousmêmes car quand les langues se taisent, les pierres parlent encore (Luc 19, 40. Ndlr). Elles portent la mémoire de l’humanité, l’identité des hommes, le souvenir des générations passées, autant qu’elles sont un gage pour l’avenir car elles nous inscrivent dans la durée et dans le grand mouvement de l’histoire. Le patrimoine hérité du passé est autant dans les villes que dans les campagnes, c’est donc un facteur d’égalité entre les zones urbaines et rurales. Vous dites que ce combat a donné un sens à votre vie, lequel ? La défense du patrimoine en péril est une cause nationale qui me permet tout à la fois d’agir en accord avec mes convictions profondes et de servir mon pays. Avec le Loto du Patrimoine, la Mission Bern a déjà sauvé quelque 150 monuments en deux ans. Pour une fois, dans ma vie, j’ai le sentiment d’être utile. Car, avouonsle, même si mes émissions de radio et de télévision sont à vocation culturelle, je ne sauve pas de vie comme un médecin ou un chercheur. La défense du patrimoine est-elle un moyen de se réconcilier avec l’identité chrétienne de la France ? La défense du patrimoine est, d’une manière générale, une manière de nous réconcilier avec notre Histoire et notre passé. Or, je le dis souvent, ce serait une erreur de nier l’héritage judéo-chrétien de la France. C’est une réalité. Dans chaque village de France, il y a une église. Souvent, cette église est à restaurer, quand elle n’est pas à sauver de la destruction. Je crois que l’incendie de Notre-Dame est un coup de semonce que nous devons tous entendre. Plus jamais ça ! Nous devons sauver le patrimoine religieux de notre pays, non seulement les majestueuses cathédrales, mais aussi les petites églises de nos villages qui racontent notre histoire millénaire, fortement imprégnée par la foi chrétienne. « Le mystère de la vie ne cesse de m'interpeller » SES LIVRES Secrets d’Histoire 9, Albin Michel, 2019, 352 p., 25 € et Sauvons notre patrimoine, Plon, 2019, 240 p., 17 € . SON ACTU Vous n’aurez pas le dernier mot de Diane Ducret, au Théâtre du Palais-Royal à Paris, tous les lundis du 13 janvier au 23 mars à 20h. Plus d'infos : theatrepalaisroyal.com Quelle place occupe la spiritualité dans votre vie ? Le mystère de la vie ne cesse de m’interpeller et de me passionner. Élevé dans les valeurs de respect et de tolérance, je dirais qu’à défaut d’avoir une pratique religieuse, j’ai une soif de sacré dans ma vie. Je vais vous faire une confession intime : vivre au collège royal et militaire de Thiron-Gardais, mitoyen de l’abbatiale quasi millénaire de « l’ordre de Tiron » a renforcé une conviction. Il faut être fidèle à l’esprit des lieux, les respecter, et continuer à les faire vivre car rien n’est pire que l’oubli. Sans doute est-ce pour cela que je me suis engagé cette année en faveur de l’abbaye de Sénanque et qu’en 2020 je veux aider par ma mission l’abbaye de Lagrasse. Si j’osais, je dirais qu’auprès de cette communauté monastique, j’ai été touché par Lagrasse… Est-ce votre empathie qui fait de vous une des personnalités préférées des Français ? Je n’ai pas de mérite, j’ai été éduqué avec ces valeurs de respect d’autrui. Je n’oublie pas que l’autre est un autre nous-même… J’aime les gens, c’est tout, d’où qu’ils viennent, et j’ai été élevé pour me sentir aussi à l’aise avec mes semblables dans la rue qu’avec les « grands » de ce monde. En revanche, vivre en partie à la campagne a changé mon regard sur la France rurale. J’aime charnellement la terre de notre beau pays et je suis attaché à la vie de nos villages où existent encore la solidarité du voisinage, la courtoisie, le bonheur de vivre ensemble. Quant au secret de l’affection que me portent les Français, je ne saurais vous répondre. Peut-être parce que je fais mon travail sérieusement, sans jamais me prendre au sérieux. Surtout, j’estime que j’ai davantage de devoirs envers mes compatriotes, du fait de cette notoriété, que de droits. CHRISTINE ASCHMAN |