2 l’âme à vif N°109/DÉCEMBRE 2019/POUR AUGUST DIEHL L'APPEL DE LA CONSCIENCE Après The Tree of Life, Palme d'or du festival de Cannes en 2011, le réalisateur Terrence Malick est revenu en compétition sur la croisette en 2019 avec Une vie cachée. L’acteur allemand August Diehl y interprête avec brio l'Autrichien Franz Jägerstätter, béatifié en 2007 par le pape Benoît XVI. Le film sort sur nos écrans le 11 décembre. PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL LEPEIGNEUX À 43 ans, August Diehl vit à Berlin où il brille sur les planches. Il tourne aussi avec les plus grands. Dans ce film, il incarne un fermier objecteur de conscience en pleine seconde guerre mondiale. Un homme capable de dire non et de sacrifier sa vie et celle de son foyer en refusant d’être enrôlé dans l’armée du Reich après l’Anschluss. Dans le film Une vie cachée, vous incarnez le héros, Franz Jägerstätter, un paysan autrichien qui refuse de se battre aux côtés des nazis et qui décide en son for intérieur qu’il ne peut adhérer au nazisme. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il a été guillotiné. « Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été allemand ? » C'est une question que le spectateur peut légitimement se poser aujourd’hui, non ? Oui, je me souviens de cette question de la chanson de Jean-Jacques Goldman. Mais quelle question ! Nous ne vivons pas du tout à cette époque si différente et pourtant, quand je pense à ces événements, je me demande souvent ce que j’aurais fait moi-même… Je crois que nous avons tous à nous interroger, et pas seulement nous les Allemands. Les Français et les Autrichiens aussi. Cette période troublée de l’histoire contemporaine est un fait qui concerne toute l’Europe. Votre question est de taille ! Je ne sais pas ce que j’aurais fait alors… Je ne sais pas si j’aurais été capable de me conduire comme Franz Jägerstätter. Je me suis posé cette question durant le tournage : aurais-je pu être comme lui et rester fidèle à mes idées chaque jour, chaque minute ? Et alors, votre réponse ? Eh bien, je n’en sais rien… Vous savez, au départ, cet homme était un modeste paysan travaillant dans son village des montagnes autrichiennes. Et ce, jusqu’au jour où il a été confronté à cette question qui a touché sa conscience et là, il est devenu fort. Dans la seconde. On ne peut pas savoir soi-même comment on réagirait tant qu’on n’est pas confronté à ce genre de situation. La personne elle-même peut être aussi surprise d’avoir une telle force car elle ne l’avait pas forcément tout le temps auparavant. Vous savez, l’impact de l’Histoire, un accident dans une famille ou une grande catastrophe, peuvent faire naître cette force prodigieuse chez les personnes qui ignoraient l’avoir. Nous sommes tous un peu dans ce cas, je pense. Et d’où vient cette force selon vous ? Dans le cas de Franz Jägerstätter, elle vient de sa « La force de Franz, c'est la force de l'innocence » SA PRÉPARATION « J’ai lu les lettres de Franz Jägerstätter, ainsi que toute son histoire. Ma préparation a surtout été physique : apprendre à utiliser les outils, à vivre la vie d’un fermier. Un mois avant le tournage, j’étais déjà sur place à travailler avec les paysans, tout comme Valérie Pachner, ma partenaire à l’écran. » conscience. De ce qu’il croit être bon et de ce qu’il croit être mauvais. Cette conception du bien et du mal utilise des termes qui paraissent démodés. Plus personne ne veut parler comme ça aujourd’hui car cela sonne trop catholique ou quelque chose comme ça. Pourtant, chaque enfant sait ce qui est vrai et ce qui est faux. Chaque enfant sur toute la Terre. Ensuite, je pense que quand on grandit, on entend tellement de points de vue différents, tant d’informations sur les mêmes faits que l’on n’arrive plus à distinguer le vrai du faux. Je pense que la détermination de Franz Jägerstätter repose sur cette force qu’a l’enfant : la force de l’innocence. Regrettez-vous cette perte d’innocence ? Vous savez, je trouve qu’il est difficile d’être le seul dans la salle qui dit non. Tout le monde est en train de se mobiliser pour faire quelque chose et vous êtes le seul à rester sur place et à dire : pas moi ! Et là tout le monde se retourne et vous demande pourquoi. Pourquoi vous cassez l’ambiance. Et vous répondez : parce que je ne pense pas que cela soit une bonne chose. Et là, tout le monde va être agacé et se demander pourquoi vous êtes le seul à savoir ce qu’il y a de bon et de mauvais, qui sont les gentils et les méchants. C’est un peu le contexte psychologique de ce film. Alors, si vous me demandez si je regrette cette situation, je vous répondrais IRIS PRODUCTIONS INC. |