Architecture Travaux déjà réalisés : trou n°2 : ajout d’ondulations à droite du green et déplacement de 2 bunkers pour les rapprocher du green ; trou n°7 : transformation de la dépression sur le fairway en légère butte (passage de concave à convexe) ; trou n°11 : aplatissement de la partie gauche du green ; trou n°17 : élargissement de la zone d’influence du Road bunker et agrandissement du bunker lui-même. Travaux à venir : trou n°3 : création d’un bunker sur la droite du fairway à 250 mètres du championship tee et suppression du 1er bunker de fairway à droite ; trou n°4 : réduction des grandes bosses du fairway, déplacement d’un bunker à droite pour le rapprocher du green, ajout d’ondulations à droite du green ; trou n°6 : ajout d’ondulations à droite du green ; trou n°7 : ajout d’ondulations à droite du green ; trou n°9 : création d’un bunker de fairway 20 mètres court du green à gauche ; trou n°15 : ajout d’ondulations à l’arrière droite du green. Les modifications concernant les bunkers soulèvent à juste titre peu d’émotion. Depuis l’origine de Saint Andrews en effet, il ne s’est pas écoulé une décennie sans que des bunkers soient rajoutés, bouchés ou déplacés. Par ailleurs, dans la mesure où ce type de travaux est toujours réversible, on est moins enclin à s’en inquiéter. Même l’agrandissement du Road bunker (célèbre obstacle très profond gardant le green du 17) n’est pas un sujet trop sensible dans la mesure où il a déjà été cent fois retouché pour des raisons de maintenance. En revanche, l’altération des reliefs suscite de vraies inquiétudes. Les ondulations du sol, tout particulièrement les greens et leurs contours, forment le cœur battant des links, la source de leur beauté et la base de leur stratégie. Toute modification, même minime, représente donc un danger pour ces fragiles monuments. Des destructions pratiquement irréversibles car, même si chaque mètre carré de l’Old Course a été soigneusement cartographié, certaine détails ne peuvent être restaurés à l’identique. La perte s’avérerait particulièrement dramatique à Saint Andrews où certaines parties du terrain sont d’origine naturelle et n’ont probablement jamais été modifiées par la main de l’homme. Pour être précis, les altérations concernant les reliefs ne sont pas non plus toutes de même gravité. Par exemple, la partie droite des greens 2 et 6 ainsi que l’arrière du green du 15 sont aujourd’hui très plats et vont être chahutés pour pimenter le jeu lorsque des drapeaux seront placés dans leur périmètre. De fait, ces zones n’ont pas l’air naturelles et tout porte à croire qu’elles ont été aplaties dans le passé pour accueillir des départs. Peut-on alors condamner ce qui ne serait en somme qu’un retour à un état antérieur, plus naturel et sans doute plus intéressant sur le plan du jeu ? Oui pour les puristes estimant que les imperfections de l’Old Course et les stigmates de son histoire font partie du monument historique qu’il convient de préserver. Mais ce point ne fait pas l’unanimité et, tout comme l’ensemble du projet, on regrette surtout qu’il n’ait pas fait l’objet d’un vrai débat d’experts. D’autres éléments du programme semblent en revanche constituer des atteintes sérieuses à la topographie d’origine. Parmi eux, l’aplanissement des bosses du fairway du 4 et le comblement d’une dépression sur le fairway du 7. D’après Peter Dawson, ces deux modifications ne visent pas directement le jeu des professionnels mais sont davantage motivées par des soucis d’entretien : au 4, les pentes seraient trop raides pour le passage des tondeuses et au 7, la zone aspire tellement de balles qu’il est impossible de la maintenir en parfait état. Mais qui demande que l’Old Course soit manucuré comme un parcours américain ? Les imperfections du sol ne font-elles pas justement partie du charme de ces vieux tracés ? Sans doute ces reliefs paraissent-ils un peu excessifs au regard des normes modernes, mais n’est-ce pas précisément ce type de paysage que l’on vient contempler à Saint Andrews ? Autre geste sujet à critiques, la dépression autour du Road bunker a été élargie pour attirer davantage de balles au fond de l’obstacle. Il en résulte une approche encore plus difficile sur un trou déjà très exigeant. Espérons qu’en 2015 le Road hole sera le théâtre de nombreux retournements de situation. Il faudra au moins cela pour justifier pareille atteinte au patrimoine golfique de l’humanité. AU CŒUR DU SCANDALE : LE GREEN DU 11 De toutes les modifications proposées par Peter Dawson et Martin Hawtree, celles visant le trou n°11 ont soulevé la plus grande indignation. Voici les faits : l’Eden hole est un des trous les plus célèbres de Saint Andrews, un par 3 imité dans le monde entier, une icône architecturale. La partie gauche de son green affichait une pente de 4 à 6%, soit une déclivité trop forte pour y positionner des drapeaux à l’ère des gazons rapides. En effet, selon les estimations reconnues dans le monde du golf, la vitesse des greens d’autrefois atteignait 4 à 5 pieds au stimpmeter (appareil mesurant la vitesse des greens). Aujourd’hui on parvient aisément au double (8/9 pieds) et on va jusqu’à 11 pieds pendant le British Open. Cette partie du green était donc devenue impropre au jeu depuis des décennies et sa pente a été ramenée vers des valeurs normales, soit entre 2 et 3%. Le R&A soutient que cette mesure permet de rendre au par 3 tout son intérêt perdu, tant pour les pros que pour les joueurs de passage. Mais les férus d’histoire affirment que les greens sont le bien le plus précieux des grands parcours car ils retiennent l’ADN du génie qui les a dessinés. Pour eux le moindre changement équivaut à dessiner une moustache sur la Joconde, c’est la destruction du chef-d’œuvre. À charge contre le R&A, on observe souvent qu’il n’y a rien de plus pervers que les « petites » modifications : si on en tolère certaines une première fois, pourquoi en refuserait-on d’autres, tout aussi « minuscules », quelques années plus tard ? À ce rythme, il faut moins d’un quart de siècle pour détruire un grand parcours sans que personne ne s’en aperçoive. En définitive, chacun appréciera selon sa propre grille de valeurs et formera son opinion autour d’une grande question : l’Old Course doit-il être muséifié ou peut-il au contraire évoluer pour s’adapter au jeu moderne ? Dans le cas du 11, deux solutions auraient pu être envisagées : soit accepter de ne plus jouer la partie gauche du green et la considérer comme une relique d’une autre époque, soit ralentir la roule du green pour le rendre à nouveau praticable. Rappelons qu’autrefois les greens affichaient des vitesses inégales et les parties d’entraînement avant les grands championnats avaient justement pour but de s’accoutumer à ces variations. Les pros actuels ont perdu cette habitude et les organisateurs de tournoi craindraient de les froisser en leur imposant cet usage du passé. Mais qui d’autre que Saint Andrews et le British Open pourraient se permettre d’expérimenter un retour vers ce genre de tradition ? L’enjeu est de taille car il en va de la préservation des designs authentiques. |