Chronique Marions-les ! Pierre-Michel Bonnot Journaliste golf et rugby au journal L’équipe Et vous y croyez, vous ? Non, pas à la liaison entre Tiger Woods et la skieuse Lindsay Vonn. Car si quelques cyniques doutaient encore du sérieux de l’idylle entre l’ex-maître du monde en passe de remonter la pente et la dévaleuse de sommets, les hurlements déchirants de cette dernière à la retombée de sa pétrifiante chute de Schladming, ligaments arrachés et plateau tibia fracturé, seraient venus à propos leur clouer le bec. C’est bien connu, en effet, rien n’est plus nocif à la trajectoire d’un champion, un vrai, que les enivrantes diversions de l’amour en ses premiers élans avec un autre champion, un vrai. Et ça fonctionne pour les deux sexes. Sergio Garcia perdu pour le golf après avoir croisé la route de la volcanique Martina Hingis ou Rory McIlroy et Caroline Wozniacki, pareillement déboussolés à l’aube d’une liaison pourtant fort peu secrète, peuvent en témoigner. Déconcentration soudaine, euphorie coupable et galipettes enfiévrées, le jeune bouchercharcutier du coin ou votre inspecteur des impôts, les symptômes sont communs à tous les mortels, nous direz-vous. La différence, c’est que le premier rate rarement son ficelage de paupiettes en mondovision et que le second n’est jamais interviewé après avoir oublié un abattement à votre déclaration d’impôts. Et puis surtout, les histoires d’amours entre champions, des vrais, finissent encore plus mal que les autres, en général. C’est que les champions, les vrais, sont des êtres puissamment nombrilistes, obsessionnels et parfaitement monomaniaques et autant dire tout à fait invivables sauf à avoir fait le sacrifice de toute ambition personnelle. Ce qui ne peut être à long terme le cas de l’autre champion, le vrai, frappé de stupeur amoureuse qui là, tout de suite, est plongé dans l’infini de ses yeux, l’air légèrement crétin, dans la douce lumière de candélabres qui baigne leur table au soir de la Saint-Valentin. Et que ceux qui doutent que le Tigre soit un champion, un vrai, peut-être même le plus grand, et par voie de conséquence, osons le dire, un parfait trou du cul définitivement invivable au quotidien, jettent un œil sur The Big Miss (éditions Golfer One), le livre revanchard que son ancien coach Hank Haney lui a consacré. Ça ne donne pas envie de partir en vacances avec Woods ! Et encore moins de partager une partie de golf avec lui. On sait bien que des milliers d’innocents accepteraient de terminer le restant de leur carrière de golfeur tiraillés entre « yips » cruels et humiliantes « sockets » pour jouer ne serait-ce que neuf trous avec lui, mais si c’est pour qu’il tire la gueule tout du long du parcours et qu’il oublie de payer sa mousse à l’arrivée, merci bien, il vaut mieux jouer avec sa moitié. Ce qui s’entend sans distinction de sexe, bien entendu. Et donc si Woods est bien entiché de Vonn, s’il a envoyé dit-on son jet privé récupérer la malheureuse en Autriche avec plus de célérité que le président des États-Unis expédiant Air Force One évacuer un ambassadeur en danger, s’il leur faudra recoller les morceaux avant même leur première dispute et si ça durera ce que ça durera, on se demande bien ce qu’il fricote par ailleurs avec Rory McIlroy. Parce que, pour revenir à nos champions, vous y croyez-vous à l’amitié Woods- McIlroy ? Franchement, on ne voit pas ce que ça leur apporte ? On veut dire, en dehors des cent millions de dollars promis à McIlroy par leur manufacturier commun et d’une virginité médiatique toute neuve à l’érotomane repenti. D’ailleurs on a beau chercher, on ne voit pas ce que ces deux-là peuvent avoir à partager. En dehors d’un talent immense, d’une authentique soif de dominer le monde et d’une précocité qui a amené Tiger Woods à faire le clown au Bob Hope Show à l’age de deux ans et McIlroy à expédier à neuf des chips dans un tambour de machine à laver sur Ulster télé. En dehors du fait que treize ans les séparent, on n’arrive pas à les imaginer faisant voiture commune pour aller partager la partie en voisins à Palm Beach Garden. D’abord parce que vu la fâcheuse tendance du Tigre à escalader les bouches d’incendie en voiture en sortant de chez lui, on ne saurait trop conseiller à McIlroy de s’y rendre par ses propres moyens ; et puis surtout parce qu’ils vont avoir du mal à se mettre d’accord sur le timing. Le premier a établi un compte à rebours d’une précision comtoise qui le mène du practice au putting green en soixante minutes selon un rituel immuable, quand le second passe directement de son lit au tee du 1 sans même se donner un coup de peigne. Et si Tiger n’a été disqualifié qu’une fois, en junior, parce qu’il y avait un autre Woods engagé et qu’il avait omis de préciser son prénom en demandant son heure de départ, « Rors » n’est pas passé loin du scratch lors de la dernière Ryder Cup. Ça n’a pas empêché leur équipementier de tourner une pub, plutôt poilante, sur le thème du défi au practice. « Eh toi le tout p’tit, tu sais la faire celle-là ? », demande Woods en expédiant une balle dans le gobelet accroché à la tondeuse d’un green keeper. « Pas mal l’ancien ! », réplique l’autre en balançant un drive directement dans la tasse de petit déjeuner d’un pauvre bougre à trois cents mètres de là. Si peu plausible que les deux « amis » n’ont pas réussi à faire emploi du temps commun pour se retrouver à la même date sur le lieu du tournage. On ne voit pas ce que Woods, sphinx hautain d’une décennie triomphale, peut bien gagner à jouer les boute-en-train à contre-emploi. On ne comprend pas bien pourquoi McIlroy qui règne désormais sur le monde avec une souriante autorité se complaît à jouer au petit frère La différence, c’est que le premier rate rarement son ficelage de paupiettes en mondovision et que le second n’est jamais interviewé après avoir oublié un abattement à votre déclaration d’impôts qu’on taquine sur sa taille. On peut se demander si leur fournisseur commun, très probablement à l’origine de cette mascarade, ne fait pas fausse route en jouant sur la corde du brutal coup de foudre amical entre les deux rivaux. Le sport en son sommet se nourrit de duels singuliers, pas de claques dans le dos. Et si Palmer et Nicklaus que plus de dix ans séparent également sont aujourd’hui les meilleurs amis du monde, c’est parce qu’ils se sont déchirés comme des chiens des années durant, pas parce qu’ils ont échangé des risettes au plus fort de leur rivalité. Ou alors… Ou alors c’est que Rors et Tiger sont vraiment amoureux et que leurs liaisons tapageuses avec les deux championnes complices n’est qu’un écran de fumée destiné à brouiller les pistes. Et pourquoi pas ? On avait bien prétendu à l’époque que la liaison entre les stars du tennis Andre Agassi et Steffi Graf avait été fabriquée par leur agent pour dissimuler leur homosexualité. Alors pourquoi pas le schéma inverse ? Allons, allons, on plaisante bien sûr. C’était juste pour voir si vous suiviez. Vous pensez bien que c’est impossible ! D’abord parce qu’il n’y a pas d’homosexuel dans le sport masculin, en tout cas pas dans le golf, ou alors aucun qui ait pensé à le signaler. C’est curieux, mais c’est comme ça. Même dans les années soixante-dix, quand les joueurs donnaient parfois l’impression d’avoir mangé un clown avant de se présenter au départ du British Open en pantalon jaune « PetT » et pull à jacquard criard, il n’en a jamais été question. Mais si ça durera sans doute plus longtemps que l’amitié de carton pâte entre Woods et McIlroy, ça viendra forcément. C’est aussi inéluctable que statistique. Un jour on verra un beau barbu tomber dans les bras d’un vainqueur de Grand Chelem et l’étreindre amoureusement. Et, aussi vrai que voilà les homosexuels autorisés à convoler en justes noces, personne n’y trouvera à redire. Si, si, vous verrez, vous vous y ferez. Mais tout de même, vous avez raison, passés devant monsieur le maire ou pas, il ne faudrait tout de même pas qu’ils en profitent pour essayer de s’inscrire sournoisement à la Coupe des Ménages de votre club. 126 |