30 Rétro 2012 Son avenir La seule vraie question à poser à propos de son futur est : sera-t-il simplement brillant ou carrément exceptionnel ? Car on n’évoque pas ici un simple jeune joueur talentueux, mais bien la référence majeure après Tiger Woods. « Désormais, dans tous les clubs du monde, les gamins essaient d’imiter le swing de Rory, son putting et son petit jeu. Il est ce qui pouvait arriver de mieux au jeu de golf. C’est une superstar », déclarait cet été son compatriote Graeme McDowell. Il y a surtout cette constante à prendre en compte chez McIlroy : il fait des erreurs, les assume, puis apprend à une vitesse folle. Exemple au Masters 2011, perdu après avoir explosé le dimanche. Non seulement il a été assez fair-play pour poser le soir même aux côtés du vainqueur CharlSchwartzel, habillé de sa veste verte (ils prenaient le même avion pour aller jouer en Asie), mais il s’en est remis tellement vite qu’il s’est s’imposé deux mois plus tard à l’US Open. Idem pour ses prises de décisions. Quand il a estimé que son manager historique Chubby Chandler décidait trop souvent à sa place, il l’a viré fissa pour reprendre le contrôle de sa carrière. Idem après ses mauvais résultats ce printemps, quand il a déclaré : « Il va falloir que je me remette au travail, j’ai peut-être un peu délaissé le practice ces derniers temps. » Avec les conséquences positives qu’on connaît… Parfois, les analystes pensent trop et trop vite, et veulent absolument comparer Rory McIlroy à Jack Nicklaus ou Tiger Woods. Mais parfois, ce sont les joueurs qui prennent eux-mêmes les devants. Ainsi son « compatriote » Padraig Harrington, qui n’aime rien tant que répondre à des questions qu’on ne lui a pas posées : « J’avais déjà dit voilà dix-huit mois, alors qu’il venait de perdre le Masters, qu’il pouvait battre le record de Nicklaus. Et je le maintiens : s’il continue à gagner un Majeur par an, il y arrivera sans problème. » McIlroy n’est jamais entré dans ce débat. Il n’a pas grandi avec ces records-là en tête, au contraire d’un Woods qui veut dépasser Nicklaus depuis toujours. Seule certitude : il jouera de moins en moins à l’avenir. Après avoir raté le cut à Hong Kong la semaine dernière, il a déclaré : « Physiquement, ça va, mais mentalement, je suis claqué. Je jouerai donc moins l’an prochain. » Une autre leçon tirée de sa saison 2012… Sa technique Rory McIlroy, c’est d’abord un swing d’une fluidité inégalable au premier œil. Mais concrètement ? Est-il aussi fort qu’il en a l’air ? « Ses bases techniques (grip, posture et alignement) sont parfaites », commente Benoît Ducoulombier, le coach de Grégory Havret, qui valide donc la première impression : son swing est aussi pur que juste. Un US PGA flamboyant Il n’a pas vraiment eu le temps d’avoir peur, Rory, lors du dernier tour du dernier Majeur 2012. Juste un petit égarement sous les arbres après son deuxième coup du 2 (par 5), qu’il a magistralement rattrapé par un wedge punché au mât. Il signera ici le premier de ses six birdies, sans concéder un seul bogey, à force de sauver ses pars entre deux et quatre mètres par la lame de son putter. Pas de quoi trembler face à la superpuissance Poulter qui, après avoir enchaîné cinq birdies sur les cinq premiers trous (-6 au 7, même), est sagement rentré dans le rang. Vainqueur avec huit coups d’avance sur son second, l’obscur Anglais David Lynn, McIlroy remportait son deuxième Majeur en deux saisons, après l’US Open 2011. Et si le lutin de l’Ulster (1,75m, 75 kg) tape aussi fort dans la balle (moyenne de drive à 283 m), c’est parce que « sa vitesse de hanche est inégalée », selon Guillaume Biaugeaud, coach de plusieurs joueurs français. En clair, par la torsion entre haut et bas du corps, Rory sait créer une énergie maximale à l’impact. Une capacité innée et renforcée depuis 2011 par SteveMcGregor, le préparateur physique qui a réussi l’exploit de faire passer Lee Westwood de buveur de bière à athlète bodybuildé. Désormais adepte des salles de gym, « Rors » ne s’inquiète absolument pas de l’avenir de ses vertèbres et de sa durée de carrière : « Je ne pense pas avoir besoin de changer quoi que ce soit dans mon swing. Je sais comment il fonctionne, et il restera à peu près toujours le même », assure-t-il. Au-delà de sa frappe de balle, c’est surtout son putting qui lui a permis de réaliser cette saison 2012 idéale. Coaché depuis 18 mois sur les greens par le gourou Dave Stockton, McIlroy a gagné en simplicité, pour notamment améliorer son efficacité sous pression. Preuve de ses progrès, il est même l’un des six joueurs à n’avoir manqué aucun putt de moins de un mètre sur toute la saison américaine ! Seule interrogation à court terme : son changement d’équipementier, qui le forcera dès 2013 à utiliser d’autres clubs et balles que Titleist, son partenaire historique. Un changement bénéfique en termes de rentrées d’argent (on parle d’un contrat de 200 M € e sur dix ans), mais un challenge pas si anodin, dans un sport où l’outil prend peu à peu le pas sur l’esprit. Son lien avec Woods Tiger Woods n’aime pas la concurrence. Il a toujours refusé d’entretenir des relations trop amicales avec Phil Mickelson et Vijay Singh, et s’est évertué à maintenir Ernie Els à distance, malgré tout le respect qu’il a pour le joueur sud-africain. Une fois, il a tendu la main à Sergio Garcia, mais celui-ci l’a refusée, préférant jouer la carte du combat de coqs. Une erreur de jugement dont il ne s’est jamais remis. Rien de tout ça avec Rory McIlroy, qui ne fait pas partie de la même génération que les joueurs cités. Woods l’a d’abord identifié comme son successeur, et a vite compris que c’était une chose inéluctable, sur laquelle il ne peut pas (plus) avoir d’influence. Convaincu qu’il valait mieux composer avec plutôt que le défier frontalement, Woods a lui-même initié une complicité qui semble à première vue crédible. Rory McIlroy le chambre régulièrement en conférence de presse. Exemple : voilà deux mois, l’apercevant au fond de la salle, « Rors » a alors assuré aux reporters qu’il espérait bien jouer contre Woods en Ryder Cup pour lui « botter le cul ». Et quand Woods le taquine sur sa « tignasse de mouton », McIlroy lui réplique : « Quel dommage, tous ces efforts pour rien… », après que Woods a joué 62 au Honda Classic pour terminer finalement à deux coups du Nord-Irlandais… » > Adrew Redington Getty/AFP |