FISCALITÉ Mise en place du prélèvement à la source : les épargnants défavorisés Cette modification majeure du système de recouvrement de l’impôt en France sera effective en 2019. Des dispositifs spécifiques sont prévus pour l’année 2018, exercice de transition. Si la plupart des revenus du travail bénéficieront d’une exonération cette année, ce n’est pas le cas pour l’essentiel des revenus du patrimoine. À <20> Mai 2018 - N°63 - INFORM@CTIONS Frédéric Tixier Le système français de recouvrement de l’impôt sur le revenu n’offre pas que des avantages. Actuellement, la collecte s’effectue avec un an de décalage. C’est un problème potentiel pour les contribuables « cigales », lorsque leurs revenus baissent significativement d’une année sur l’autre et que les mécanismes de tiers provisionnel ou de mensualisation n’atténuent que marginalement. C’est surtout un souci pour les finances publiques et pour l’efficience de la politique fiscale. » un objectif vertueux La mise en place du prélèvement à la source, un mécanisme déjà adopté depuis longtemps par la plupart des pays développés, vise précisément à rendre les politiques budgétaires plus efficaces. Le dispositif actuel induit en effet un retard entre l’adoption de nouvelles mesures budgétaires et leur mise en œuvre auprès des contribuables. Avec le système du prélèvement à la source, toute hausse (ou baisse) de la pression fiscale est en revanche immédiatement répercutée sur les ménages. Cette collecte « en temps réel » permettra donc un pilotage plus fin des outils budgétaires et améliorera leur impact macro-économique et leurs effets contracycliques. » Mais abusivement qualifié de simplificateur Si la réforme en cours présente donc d’indéniables avantages, elle est revanche faussement présentée comme simplificatrice. Tout d’abord parce que, contrairement à ce que pensent les contribuables mal informés, elle ne les dispensera pas de déclarer leurs revenus, une fois l’an, comme aujourd’hui. Ensuite, parce qu’elle induit de fait une complexité supplémentaire pour les « tiers payeurs », ceux sur lesquels va s’appuyer le nouveau dispositif pour collecter l’impôt. Les employeurs qui, dans le cas des indépendants et les professionnels libéraux seront à la fois tiers payeurs et contribuables, sont en première ligne, tout comme les caisses de retraites ou d’assurance chômage, elles aussi prochainement chargées de verser aux retraités et aux chômeurs des revenus amputés de leur part d’impôt. On mésestime d’ailleurs sans doute l’effet déceptif que risque de provoquer cet appauvrissement visible des rémunérations mensuelles ou, à l’inverse, l’insensibilité à l’impôt que peut entrainer ce prélèvement dont le niveau deviendra, au fil du temps, aussi indolore que celui des cotisations sociales et patronales. A court terme, c’est surtout la mise en œuvre de la réforme qui va s’avérer source de complications pour un grand nombre de contribuables. » tous les revenus ne sont pas a≠ectés de la même manière par le prélèvement à la source Car le prélèvement à la source ne s’appliquera pas à l’ensemble des revenus. Seuls sont en effet concernés les revenus salariaux, ceux des indépendants, ainsi que les pensions et les revenus de remplacement, auxquels s’ajoutent deux catégories de revenus issus de placements, les revenus fonciers et les rentes viagères. Tous les autres revenus d’épargne ou de nature financière 1 n’entrent pas dans son champ d’application, étant quant à eux déjà prélevés à la source. Autre subtilité : les différences dans les modalités de prélèvement. La retenue à la source proprement dite, réalisée par un tiers payeur, ne concerne en réalité que les revenus du travail ou de remplacement, ainsi que ceux issus de l’épargne salariale. L’impôt afférent à tous les autres revenus, y compris les rentes viagères, seront quant à eux prélevés sous forme d’acompte (mensuel ou trimestriel) par l’administration fiscale. » Année « blanche », via un crédit d’impôt exceptionnel Les contribuables pourront juger de cette complexité au cours de l’année 2018, réputée « année blanche » sur le plan fiscal. La mise en place du prélèvement à la source étant désormais prévue pour janvier 2019 2, l’année en cours fait en effet office d’exercice de transition. Pour éviter que les contribuables ne payent en 2019 des impôts sur leurs revenus 2018 – imposition décalée d’un an, selon le système actuel - et des impôts sur leurs revenus 2019 (prélevés à la source), l’administration a mis en place un dispositif de crédit d’impôt, (1) Il s’agit, en l’espèce, des plus-values immobilières ou sur cessions de valeurs mobilières, des revenus de capitaux mobiliers, des gains sur stock-option, attribution gratuite d’actions ou bons de souscription sur action (BSA), ainsi que de gains sur rachats de contrat d’assurance vie (2) Elle était initialement prévue pour une mise en œuvre en janvier 2018, mais décalée d’un an à la suite de la mise en place de la nouvelle majorité parlementaire |