dans un box de consultation assez sobre, au 6 C’est e étage du bâtiment principal du CHUV, que les patients pressentis pour participer à l’essai clinique baptisé « ATA- TIL » découvrent ce qui les attend. À lui seul, le titre du formulaire de consentement tient sur trois lignes : « Étude de phase I pour évaluer la faisabilité et la sécurité d’un transfert adoptif de lymphocytes T autologues infiltrant la tumeur en combinaison 1 AU FOCUS ESSAI CLINIQUE CONSEN- TEMENT Étapes, effets secondaires, substances actives aux noms barbares, risques et bénéfices, traitement sans garantie de réussite : dès le premier rendez-vous, la Dre Angela Orcurto, cheffe de clinique au sein du Service d’immuno-oncologie, aborde les choses sans détour, afin que les patients comprennent bien « la nature, l’importance et l’étendue de l’étude ». Même si le cancer a résisté aux traitements suivis précédemment, « les patients doivent savoir s’ils ont d’autres choix à disposition, et qu’ils peuvent en tout temps retirer leur consentement et sortir de l’essai, sans justification aucune », souligne-t-elle. Au terme de l’entretien, ils disposeront d’un « temps raisonnable de réflexion » à la maison, avec leurs proches, avant de prendre leur décision. « S’il y a une chose que j’ai bien comprise, c’est que ce traitement n’est pas comme les autres ! » s’exclame Robert*, l’un des tout premiers à avoir donné son accord. « Je n’ai pas hésité un seul instant à dire oui, car le principe me paraît très logique : on enlève vos cellules, on les booste et on les réinjecte », confie quant à lui Pierre*, qui a tout de même choisi d’être accompagné de son beau-fils. « Ce n’est pas que je ne comprends pas, mais je lui confie la fonction de relais pour que ce soit lui qui explique à ma famille. Sinon ça me fait trop », précise-t-il. 20 CHIFFRES 328 Nombre de décès liés à un mélanome chaque année en Suisse, selon l’Institut national pour l’épidémiologie et l’enregistrement du cancer NICER./180 pages C’est ce que « pèse » le protocole de recherche pour l’essai clinique ATATIL, qui cible le mélanome métastatique./800 Nombre d’essais cliniques en immunothérapie en cours dans le monde, selon un décompte de l’American Cancer Society en date de juillet 2018. avec de l’IL-2 suivi d’un rattrapage avec nivolumab chez des patients atteints d’un mélanome métastatique avancé. » Dans la foulée, ont été rédigées 27 pages détaillant un processus d’une rare complexité, qui a nécessité un an de préparation et la formation spécifique de 65 professionnels de l’hôpital, sous la conduite du Prof. George Coukos, chef du Département d’oncologie UNIL CHUV (voir interview, p.26), et de la Prof. Lana Kandalaft, responsable du Centre des thérapies expérimentales. Au cœur de cet essai, la thérapie cellulaire adoptive consiste à prélever les lymphocytes T ayant infiltré la tumeur – en anglais, « Tumor Infiltrating Lymphocytes », ou « TILs » – du patient, à les faire proliférer en laboratoire, puis à les perfuser au même patient après avoir préparé le terrain par chimiothérapie. Comme ces cellules proviennent de la tumeur ellemême, elles vont la reconnaître et l’attaquer pour la détruire une fois réinjectées dans le corps. Pionnière en la matière, l’équipe du Dr Steven A. Rosenberg, du National Cancer Institute, aux États-Unis, a montré une régression du cancer avoisinant les 50% chez les patients ayant reçu la perfusion de lymphocytes T, et une régression complète de la tumeur dans les cinq années qui suivent chez 15% d’entre eux. Premier centre en Suisse à proposer cette forme d’immunothérapie personnalisée (voir encadré, p.25), le CHUV s’appuie sur un laboratoire certifié garantissant la manipulation et la modification des cellules dans des conditions strictes de sécurité, et sur une équipe médico-infirmière formée, capable de gérer entre autres les effets secondaires. L’un des plus redoutés par les patients est la perte des cheveux, causée par la chimiothérapie qui précède la perfusion des TILs. Mais la liste est longue de six pages et « il peut y avoir des réactions au traitement que personne n’a encore jamais envisagées », souligne la Dre Orcurto. C’est d’ailleurs le principal enjeu de cette phase I : observer les effets du traitement chez une dizaine de participants, avant de pouvoir envisager une phase II, ou |