6 Gemini Man sortie le 2 octobre our saisir l’ampleur de Gemini Man, il faut revenir une vingtaine d’années en arrière. Un projet fou circule dans la grande tuyauterie hollywoodienne : un vétéran de la guerre de Corée devenu tueur à gages, joué par Clint Eastwood, parvient à générer un clone plus jeune afin de rester dans le métier… Le vieux briscard de Million Dollar Baby aurait ainsi donné la réplique à l’escogriffe à rouflaquettes de L’Inspecteur Harry. Le hic : la faisabilité technique du projet. Clint maquillé ou flanqué d’un partenaire ressemblant, ça aurait un peu atténué le miracle visé. Passé de mains en mains, le scénario est réécrit pour diverses stars âgées (dont Harrison Ford, Jon Voight et Sean Connery), avant de sombrer aux oubliettes. Jusqu’à ce que les avancées technologiques ne relancent les discussions, et que l’éclectique Ang Lee ne s’en empare. Aujourd’hui, il regarde la problématique de la tête d’affiche avec un détachement amusé, comme si la solution coulait de source. « Eastwood aurait été formidable : nous connaissons tous le Clint trentenaire aussi bien que celui d’aujourd’hui. Mais en plus des contraintes d’effets spéciaux, il y avait un pépin. Comment faire un film d’action avec un acteur âgé ? Comment l’aîné peut-il être aussi agile que son cadet ? Même pour Harrison Ford, le problème se posait : tous les grands acteurs dont le visage juvénile est resté familier sont désormais trop vieux pour l’action intense. Toutes, sauf Will Smith… Quel autre acteur épique, et encore en forme, a une version « junior » dont on se souvient si bien qu’elle coexiste avec son image présente ? » De fait, Gemini Man nous arrive enfin avec une puissance spectaculaire et poétique qui tient à cette vision : le jeune loup fringant du Prince de Bel-Air Le jeune loup fringant du Prince de Bel-Air lancé dans un bras de fer avec son « lui » plus mature. lancé dans un bras de fer avec son « lui » plus mature – tueur professionnel lui aussi, et à même de prédire chacun de ses gestes (logique : ils ne font qu’un). Un choc physique, puisque les grosses pétoires sont de sortie, mais aussi une sorte d’hallucination sans précédent. Car le faciès de Smith n’est pas simplement rajeuni digitalement, mais entièrement recréé en pixels d’après le modèle des années 90. Le Will de 50 ans ne prête que sa gestuelle et sa voix à ce double factice, pourtant fichu de coiffer son modèle au poteau. Vertige total, partagé par Lee en personne. « Le défi le plus irréel était de diriger Will en restant fidèle au débutant qu’il a été, en retrouvant la sensibilité artistique de ses 20 ans. Quand il jouait son jeune clone en motion-capture, je lui disais : « Will, tu joues un peu trop bien… Ton langage corporel est trop assuré, trop chevronné. Sois plus fragile, deviens moins bon acteur ! » (Rires.) » DR |