26 – Décryptage Interview Par Alex Par Alex Vandevorst Photos Photo DR DR & RC – Des jouets et des hommes L’histoire (vraie) d’un artiste au mental dérangé peut-il aussi être un film de guerre pétaradant ? Le grand Robert Zemeckis le prouve avec Bienvenue à Marwen et nous décrit l’ADN de son nouveau prototype. Bienvenue à Marwen donne vie à l’œuvre d’un personnage marginal, qui rejoue des scènes de la Seconde Guerre mondiale avec ses figurines. C’est un peu la rencontre de vos deux derniers films, finalement… — C’est vrai ! The Walk restituait l’exploit du funambule Philippe Petit, à travers qui je rendais hommage à toutes les formes d’art. Et Alliés se passait en pleine Seconde Guerre mondiale… Même si cette fois les batailles sont vécues par des jouets, j’avoue que le tournage m’a rappelé celui d’Alliés. (Rires.) À tel point qu’on est tenté d’y voir une mise en abyme de votre travail de cinéaste. — Ce serait inconscient, mais pourquoi pas ? Le vrai Mark Hogancamp, dont je me suis inspiré le plus fidèlement possible, utilise la photo pour faire vivre sa réplique de village belge occupé par les nazis. Il écrit en images, comme moi. C’est d’ailleurs pour cela que son histoire m’a semblé adaptable… Mais ce qui m’intéresse chez les artistes, que ce soit lui ou Philippe Petit, c’est que n’importe qui peut s’identifier à eux. Car nous sommes tous sauvés par la créativité. Donc, le personnage de SteveCarell, c’est peutêtre moi, mais c’est le reste du monde aussi. Il n’a pourtant rien d’ordinaire : il souffre d’un trauma qui rend son quotidien atypique… L’expérience de Forrest Gump n’était pas loin non plus ? Bienvenue à Marwen Sortie le 2 janvier. — L’enjeu est un peu le même : comment s’identifier à un héros dont l’esprit est chamboulé ? Il est difficile de déchiffrer leur monde intérieur, et pourtant leur trajectoire est évocatrice. Les harceleurs qui les maltraitent, la société qui les rejette… Quiconque s’est déjà senti incompris peut avoir de l’empathie. Les nazis qui terrifient Hogancamp sont comme les gros bras qui maltraitaient Forrest Gump : des métaphores des injustices vécues par le commun des mortels. Le mélange de motion capture et de prise de vue réelle est impressionnant, mais il semble que le vrai défi soit narratif : imposer l’histoire d’un doux dingue convaincu de sauver le monde en talons aiguilles, n'est-ce pas difficile, à Hollywood ? — Les paris techniques ne m’intéressent plus tellement. La motion capture s’est banalisée. Le challenge, c’était effectivement de traiter ce sujet peu évident : Hogancamp doit son trauma au fait qu’on l’a tabassé parce qu’il aimait porter des chaussures pour femmes. Ce n’est pas dans les canons hollywoodiens, et c’est justement pour cela que je me suis intéressé à lui. C’est vital de bousculer les habitudes. Le vrai défi, c’est d’imaginer un film d’action qui se joue dans la tête d’un héros queer. Le geste est plus puissant et plus complexe à étiqueter. Si le spectateur se dit : « Mais dans quel genre on est, là ? », alors j’ai réussi mon pari. Le genre « Zemeckis » ? — (Rires.) Si vous voulez… Ça sonne un rien prétentieux mais, allez, adjugé ! |