28 – Décryptage Interview Par Anouk Par Alex Féral Vandevorst Photos DR Photo & RC DR – Bonjour délicatesse Il fait des films à son image : pudiques, délicats, nostalgiques. Après Memory Lane et Ce sentiment de l’été, Mikhaël Hers dépose Amanda sur nos écrans. Il y filme Vincent Lacoste en père de substitution de sa jeune nièce, devenue brusquement orpheline. Interview tout en clair-obscur sur la fabrication de ce nouveau drame réparateur. D’où vous vient cette histoire ? — Je crois que c’est le film qui vous choisit. Là, je voulais filmer le Paris d’aujourd’hui. Sa fragilité, l’électricité post-attentats. Et aussi la paternité, la figure d’un grand enfant qui accompagnerait un petit enfant suite à une disparition. Tout ça s’agrège mystérieusement et une histoire jaillit. Je passe longtemps sans écrire, à maturer. En revanche, dès que je commence, j’ai besoin que ça aille vite. Dans tous vos films, vous rendez cruelle une saison, l’été, qui a la réputation inverse. Celle d’être la saison du bonheur. Pourquoi l’associez-vous à tant de douleur, de mélancolie ? — C’est cette ambivalence qui me plaît. Elle est lumineuse, il y a quelque chose de l’ordre de la promesse, des possibles. Évidemment, quand on traverse des moments tragiques, c’est encore plus insupportable. On vit l’absence et la solitude de manière plus criante sous un ciel bleu. Et j’aime tourner de manière légère et l’été permet ça plus que les autres saisons. On est moins couvert, il y a moins besoin de lumière artificielle. Ça rend les tournages plus dynamiques. Quand j’écris, je pense toujours au tournage. Cette légèreté, l’idée de sentiments violents filmés avec délicatesse hante votre travail… — J’attache de l’importance à l’empathie, la bienveillance, la prise en charge des doutes et de la solitude de l’autre. Dans mes films, la violence est présente mais de manière souterraine, périphérique. On approche mieux l’essence des choses en les contournant. C’est affaire de sensibilité. Certains ont besoin d’être dans l’œil du cyclone, au cœur de la colère pour s’exprimer. Ce n’est pas ma manière de faire. Vincent Lacoste joue David, le rôle principal. Comment dirige-t-on un acteur qui répète à longueur d’interview qu’il ne travaille pas en amont ses personnages ? — Il y a de la blague là-dedans, il travaille beaucoup. C’était du pain béni. Parfois on doublait la scène par principe, pour les assurances, mais dès la première prise il avait la juste tonalité. David avance chargé, il fallait un acteur avec une grâce, une maladresse, une légèreté pour rendre cette histoire supportable. Vincent est très riche, d’une beauté peu commune. Il y a un dispositif dans Amanda. David est abandonné par la femme qui le structurait, il se retrouve avec une enfant et commence un parcours d’apprentissage jalonné de figures féminines qui l’aident à s’élever… — J’ai du mal à théoriser mes films, je fonctionne de façon intuitive. Je sais juste que j’adore filmer les actrices. Comme l’été. Mais le rôle que je leur donne, je ne peux pas formuler de pensée là-dessus, c’est ma limite. Tout de même : le film s’appelle Amanda, du nom de la petite fille, et pas David… — Il y a une innocence contenue dans ce titre qui a toujours été une évidence pour moi. Je ne saurais l’expliquer. (Silence.) Peut-être parce que lorsque j’ai écrit, ma fille venait de naître. On fait avec ce qu’on est. Amanda Sortie le 21 novembre. |