30 – Sur les docs Par Léontine Bob Photos DR – Les docus mènent l’enquête Deux documentaires replongent dans un passé trouble pour en révéler ses secrets. Chavela Vargas retrace la vie de la chanteuse rebelle éponyme et Carré 35 se lance sur les traces d’une sœur décédée et quasiment rayée de l’arbre généalogique. Suivons les indices. Chavela Vargas Sortie le 15 novembre. Qui es-tu, Chavela Vargas ? Révéler une vérité qui dérange Elle préférait les pantalons aux robes colorées à ruban et portait un flingue. Elle enchaînait des verres de tequila au milieu des hommes à en devenir alcoolique chronique. Elle séduisait les femmes, a vécu avec Frida Kahlo et aurait passé une nuit avec Ava Gardner. Aujourd’hui, de nombreuses questions planent encore autour de Chavela Vargas. En revenant sur la vie hors-norme de cette femme qui chantait l’amour, les réalisatrices Catherine Gund et Daresha Kyi actualisent son mythe. S’aventurer dans l’intimité Pour en savoir plus sur quelqu’un, quoi de mieux que de questionner ceux qui l’ont connue intimement ? Gund et Kyi se rendent tour à tour au Mexique puis en Espagne pour rencontrer les femmes et les hommes qui ont fréquenté Vargas mais surtout l’ont aimée – parmi lesquels PedroAlmodóvar. Pour la première fois, l’avocate avec qui Chavela Vargas a eu une liaison pendant plusieurs années accepte également de parler devant la caméra. Un instant stupéfiant. Mêler les sources et reconstruire une chronologie Si le documentaire s’ouvre sur une interview récente de Chavela Vargas en 1991 exhibant le dispositif filmique féminin, c’est pour une certaine chronologie que les documentaristes préfèrent opter par la suite. Au montage, les réalisatrices tissent les stock-shots, découvrant les villes via des archives officielles en noir et blanc et des vidéos en couleur tournées pour le film, naviguant dans des photos privées et offrant au spectateur des instants musicaux puissants, douloureux et passionnés. Le mystère du Carré 35 Révéler une vérité qui a été cachée Il y a des années, une enfant de 3 ans est morte dans sa famille. Elle s’appelait Christine, elle aurait été sa grande sœur. Le réalisateur, Éric Caravaca, n’en a jamais entendu parler clairement, pourtant son instinct le pousse à en savoir plus sur cette petite fille atteinte de la maladie bleue. Et il veut surtout savoir pourquoi. Pourquoi ses parents ne lui en ont pas parlé, pourquoi il n’y a plus d’images ? Il décide dès lors d’enquêter pour prouver l’existence de cette enfant qui a été effacée des mémoires. Collecter les indices et reconstituer le puzzle Comment mettre en image un film quand les photos ont été brûlées, que toutes les traces ont été effacées ? Le réalisateur fouille les archives et retourne sur les lieux pour actualiser les images du passé, bien sûr, mais il resitue aussi l’histoire dans son contexte, celui de la colonisation française au Maghreb. Des images de l’époque, donc, mais aussi d’autres, saisissantes, qui font écho à son film. Les premières sont celles des anciens abattoirs. Les secondes, celles des enfants « anormaux » rejetés par la propagande nazie. Pénétrer la vie privée Le documentaire est une affaire de temps. Interroger les personnes avant qu’elles ne partent mais aussi avant qu’elles oublient ou qu’elles décident de se taire à jamais. Poser des questions, c’est risquer de se frotter au silence voire au déni. Celui d’une mère qui refuse d’avouer la vérité et de raconter la maladie de sa fille. Pourtant les silences en disent long… Et en posant des questions frontalement, ce sont d’autres réponses qui viennent, la confession d’autres tabous et mensonges du passé qui ressurgissent. Carré 35 Sortie le 1er novembre. |