L E DOSSIER Le bocage, un paysage à préserver Depuis trois ans, l’IGN et l’OFB construisent ensemble un dispositif national de suivi des bocages. Un paysage particulièrement favorable à la biodiversité. « Le bocage est l’un des paysages ruraux les plus favorables à la biodiversité. Les systèmes de polyculture-élevage et les pratiques agricoles associées concourent à y multiplier les écosystèmes semi-naturels : haies denses ou claires, sur talus ou non, fourrés, prairies permanentes, champs cultivés, mares, zones humides… Des espèces aux besoins très différents peuvent y cohabiter. Pourtant, il n’en existait aucune carte récente, alors qu’il ne cesse de reculer… » Sophie Morin est ingénieure, cheffe d’équipe du pôle bocage à l’Office français de la biodiversité (OFB). Depuis trois ans, elle travaille avec les équipes de l’IGN à mettre en place le premier dispositif national de suivi des bocages. « Ce projet a pour objectif de servir les politiques publiques de nos ministères de tutelle, rappelle Barbara Freidman, chargée de partenariats et de relations institutionnelles à l’IGN. Il s’inscrit dans le plan biodiversité du ministère de la Transition écologique et solidaire, notamment dans son axe 3, sur la continuité des trames verte et bleue, et aussi dans le plan de développement de l’agroforesterie du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. La France est pionnière en Europe dans ce domaine, essentiel à la gestion durable des ressources agro-écologiques. » Principalement portée par l’IGN, la première phase C H I F F R E C L É 70% des haies présentes au début du XX e siècle auraient disparu. Entre 2006 et 2014, la France aurait perdu 58 482 hectares de surfaces en « haies et alignements d’arbres » toutes catégories confondues, soit 6%. Sources Agreste et Solagro. 12/IGN MAGAZINE/PRINTEMPS 2020 Paysage de bocage en Normandie. de travail porte sur la réalisation d’une couche de référence nationale sur les trames de haies. À la maille très fine d’un kilomètre carré, le dispositif identifiera plusieurs milieux sur une même commune et de nombreux indicateurs : longueur, densité, connectivité… Dès ce printemps, la couche des haies sera en libre accès sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel et sur le Géoportail. Un traitement largement automatisé « Deux bases préexistaient : la BD Topo et le registre parcellaire graphique (RPG), explique Loïc Commagnac, ingénieur d’études et maître d’œuvre du projet pour l’IGN. La BD Topo couvre l’ensemble du territoire français mais ne recense que les haies assez importantes. Le RPG est plus exhaustif et plus récent mais ne prend en compte que les espaces agricoles faisant l’objet de subventions européennes. Enfin, dans les deux cas, les haies sont représentées sous la forme de polygone, forme qui ne se prête pas aux calculs de densité ou de connectivité, nécessaires pour étudier leurs fonctions écologiques. Les deux bases ont donc été fusionnées puis linéarisées grâce à un processus de traitement automatisé. » Comparé à la saisie manuelle réalisée pour le Gers et les Pays de la Loire, le résultat affiche un taux d’adéquation proche de 85%, suffisant pour passer en phase 2 : le recensement des territoires bocagers et de leur « type », en fonction de données complémentaires, comme la taille des exploitations agricoles, la présence de mares ou le type de sol… Puis, vers 2021, la phase 3, avec le suivi qualitatif de ces territoires mobilisant les acteurs de terrain : scientifiques, forestiers, agriculteurs, associations… « Travailler sur les milieux plutôt que sur telle espèce ou tel usage rapproche les communautés d’intérêt : au bout du compte, cela augmente notre puissance d’agir », conclut Sophie Morin. Laurent Mignaux/Terra |