Science et croyance « Que la religion ne concerne que les très grandes questions est un malentendu. » Christoph Uehlinger (61 ans), Université de Zurich FAIT DE LA RECHERCHE EN : science des religions historique et comparative IL CROIT : aux droits humains, au respect des personnes de confessions différentes et à la valeur de la science critique sur le plan idéologique « Quand j’étais encore un jeune homme, j’envisageais de devenir moine. J’étais alors proche d’une communauté monastique œcuménique internationale. Toutefois, comme la pensée scientifique m’intéressait également, j’ai commencé des études de théologie. Il y a seize ans, toujours plus préoccupé par les questionnements historiques, je suis passé des sciences bibliques à celles des religions. Je n’adhère pas à l’hypothèse selon laquelle la croyance en un ordre transcendant serait l’élément essentiel d’une religion. Je considère comme un malentendu que la religion ne concerne que les très grandes questions. Je suis fasciné par le nombre de variations de la religion Alors, qu’en-est-il de votre croyance ? Un théologien toujours moins intéressé par Dieu, une spécialiste d’Alzheimer qui reste convaincue qu’un jour tout ira bien malgré tous les revers... Quatre chercheurs répondent à la question fondamentale. Texte : Alexandra Bröhm, illustrations : Irene Sackmann18 Horizons n o 124, mars 2020 et de la foi, ainsi que par le rôle de la pratique de la religion par de petits gestes. Lors de la visite d’un cloître à Chypre, j’ai par exemple été impressionné de voir des gens faisant longuement la queue afin de pouvoir toucher brièvement une icône de Marie. Sa couche de protection en argent est régulièrement polie à l’aide de tampons de ouate, distribués dans de petits sachets en plastique. J’en ai longtemps porté un sur moi, sans lui attribuer un pouvoir particulier, juste en souvenir de cette rencontre. Mes croyances personnelles n’ont rien à voir avec ma science. Car en tant que scientifique spécialiste des religions, je suis tenu à l’agnosticisme méthodologique. » « Je crois à des progrès dans la recherche sur Alzheimer. » Jessica Peter (41 ans), Services psychiatriques universitaires Berne (UPD) FAIT DE LA RECHERCHE EN : fonctions cognitives et vieillissement du cerveau ELLE CROIT : au rationalisme et à l’empirisme « Revers et frustrations sont les compagnons de route des chercheurs travaillant sur la maladie d’Alzheimer. Il n’est pas facile d’accepter que nous ne connaissons toujours pas sa cause exacte. Ma recherche porte sur les processus de vieillissement dans le cerveau et leurs effets sur la mémoire. J’essaie en outre de développer des interventions qui soutiennent les processus de cette dernière. Nous utilisons par exemple la simulation cérébrale non invasive pour améliorer les fonctions cognitives. Cependant, malgré la situation initiale prometteuse, cette méthode ne nous a pas permis de trouver des effets significatifs sur les processus de mémoire des malades d’Alzheimer. J’essaie de gérer les déceptions en dialoguant avec mes collègues. Les discussions avec d’autres chercheurs mènent souvent à des explications ou ouvrent de nouvelles perspectives. La démence d’Alzheimer est une maladie si complexe que nous ne pouvons en analyser qu’une petite partie à la fois. C’est ce qui rend la tâche exigeante, mais passionnante aussi. C’est précisément parce qu’il reste de nombreuses questions ouvertes que ce domaine de recherche reste un défi. » |