Science et politique « ll faudra retrousser nos manches » Martina Hirayama est depuis janvier 2019 secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation. Pour l’ancienne chimiste, l’un des principaux défis sera de maintenir l’excellente position de la Suisse dans la science internationale. Interview : Florian Fisch 30 Horizons n o 122, septembre 2019 Vous avez quitté votre poste de professeure de chimie pour l’administration. La recherche était-elle ennuyeuse ? Je trouvais mes recherches passionnantes, mais j’ai toujours eu de multiples intérêts et un attrait pour la nouveauté. Il est très motivant de contribuer à définir les conditions encadrant la formation, la recherche et l’innovation. Même avant de rejoindre le SEFRI, je ne passais pas toutes mes journées au laboratoire : j’étais avant tout occupée par la gestion de l’Ecole d’ingénierie de la ZHAW (Haute école zurichoise des sciences appliquées,ndlr). Mon adieu à la science a été progressif. Transition énergétique, numérisation, bactéries résistantes : la politique impose un nombre croissant de thématiques de recherche. La science ne devrait-elle pas les choisir elle-même ? Evidemment, l’autonomie des chercheuses et des chercheurs dans le choix de leurs points forts est importante. En revanche, les hautes écoles peuvent – et doivent – déterminer les chaires qu’elles entendent créer. Le SEFRI essaie d’aborder les défis de manière très générale : quelles priorités veulent-elles fixer ? Dans quels domaines souhaitent-elles collaborer, par exemple grâce à des contributions de la Conférence suisse des hautes écoles (l’organe fédéral de supervision,ndlr) allouées à des projets spécifiques ? Il faut des objectifs stratégiques à tous les échelons du système. Les hautes écoles n’apprécient guère les restrictions de la part du gouvernement. Mais nous n’en imposons pas ! Bien entendu, les hautes écoles doivent comprendre le sens de la collaboration pour que cela fonctionne. Nous demandons par exemple : quelle position adoptons-nous face à la montée en puissance de la Chine dans le domaine de la physique quantique ? Nous devons veiller à ce que les hautes écoles aient suffisamment de temps à consacrer à ces réflexions pour éviter que celles-ci ne disparaissent dans le quotidien. Vous venez du côté des sciences appliquées : hautes écoles spécialisées, start-up, Innosuisse. Voyez-vous la formation et la recherche fondamentale comme étant avant tout au service de l’innovation ? Certainement pas ! Dans la recherche, il s’agit de poser des questions. Le principal résultat est le gain de connaissances. Certaines s’avèrent tout simplement moins exploitables. Mais lorsqu’elles peuvent déboucher sur des applications, il convient absolument de saisir cette chance. Les hautes écoles spécialisées (HES) s’efforcent de se rapprocher du modèle universitaire. Elles souhaitent par exemple délivrer elles-mêmes des doctorats. Au risque de fragiliser leur profil orienté vers la pratique ? Dans leur prise de position de 2014, les hautes écoles spécialisées ont clairement dit vouloir délivrer les doctorats en coopération avec les hautes écoles universitaires. Pour la Confédération, c’est aussi clair : les hautes écoles spécialisées font partie de la voie de la formation professionnelle, sont orientées vers la pratique et leur diplôme standard est le bachelor. Nous encourageons cependant de manière ciblée la coopération entre les deux types de hautes écoles. « Il faut des objectifs stratégiques à tous les échelons du système. » Les HES voudraient également toucher une plus grande part des ressources allouées à la recherche fondamentale, notamment à travers le Fonds national suisse. L’encouragement de la recherche fondamentale du FNS s’adresse surtout aux universités. Mais il a aussi des programmes orientés vers les applications tels que Bridge, mené en commun avec Innosuisse, qui se concentre sur la recherche appliquée. Ces deux institutions d’encouragement sont complémentaires et jouent un rôle déterminant dans le développement de nos hautes écoles. Innosuisse a récemment essuyé des critiques : la restructuration de l’ancienne Commission |