Loin de la capitale, il souffle à Chiraz un certain vent de liberté, à en croire les quelques spots underground et nouveaux lieux branchés. Les mosquées sont décorées de mosaïques bariolées de roses, de fleurs incroyables et d’arbres de vie. Comme si ces magnifiques céramiques pouvaient être insuffisantes, la salle de prière de la mosquée Nasir-al-Molk se pare de vitraux eux aussi multicolores, qui en fonction de l’heure de la journée se reflètent sur les murs tels des arcs-en-ciel mystiques. Chiraz est aussi la ville des jardins, de véritables havres de paix rafraîchissants, ils accueillent orangers, palmiers, fleurs et bassin central. Construit en 1879 par une famille de riches marchands, le palais de Narenjestan e Ghavam en est un exemple magnifique. Outre le jardin luxuriant, la décoration de la maison est étonnante, mélangeant les voûtes arabisantes aux plafonds peints de style victorien. Changement de décor : quartier du bazar de Vakil. Joyeux et juvéniles, des enfants s’approchent, accompagnés de leurs petites perruches aux plumes vertes et bleues, et contre quelques billets, la perruche tire au hasard un papier bleu plié en deux. Le petit billet cache un quatrain du célèbre poète Hafez, dont le tombeau – lieu de pèlerinage obligatoire – se trouve dans les hauteurs de la ville. Notre amie Noushine nous traduit les vers : « Donne au vent un bouquet cueilli sur ton visage en fleurs, et je respirerai l’odeur des sentiers que tu foules. ». PERSÉPOLIS : L’ÉMOTION DES PIERRES Sortie scolaire. Nous sommes accueillis par une ribambelle de tout-petits écoliers costumés, qui sautent joyeusement entre les ruines de leurs grands ancêtres. Ici s’est écrite l’Histoire de leur pays. Capitale de l’Empire achéménide, Persépolis fut fondée au VI e siècle avant J.-C. par Darius le Grand. Ces empereurs, devant qui venaient défiler des émissaires du monde entier, apportant offrandes, objets précieux et animaux divers, ont régné ici avec faste pendant plusieurs siècles. Aujourd’hui, il n’en reste que les pierres savamment sculptées, qui nous content la vie de ce riche empire. Le mix d’influences scythes, grecques et mésopotamiennes, Double-page précédente : mosquée Nasir-al-Molk, dite « mosquée rose », Chiraz. Page de gauche : 1 : détail de la mosquée Nasir-al-Molk – 2 : le nouné taftoune, pain traditionnel iranien – 3 : détail du plafond peint, palais de Narenjestan 4 : détail de céramique, palais de Narenjestan – 5 : palais de Narenjestan 6 : petite fille de Chiraz – 7 : garçon et sa perruche – 8 : détail d’un plafond en céramique décorée – 9 : atelier de Massoud Chichehgar. Rencontre avec Massoud Chichehgar, maître artisan céramiste depuis cinq générations Au moment de la révolution bolchévique, la famille de Massoud Chichehgar quitte l’Azerbaïdjan contrainte et forcée. Depuis plus de soixante-dix ans, date à laquelle son père s’établit à Chiraz, l’atelier est en charge de la restauration des céramiques anciennes des mosquées historiques de la ville. C’est ainsi que Massoud perpétue le travail de ses ancêtres, il est aujourd’hui la mémoire vivante de l’art des céramistes traditionnels, et l’un des rares à maîtriser à la perfection la restauration des œuvres anciennes. Chiraz riche de mosquées et mausolées anciens, son atelier emploie six artisans céramistes chevronnés, quatre artisans spécialisés en art et restauration et deux artistes peintres. Il utilise essentiellement les couleurs naturelles et reproduit les dessins et gravures anciens qu’il trouve dans les livres. Pour Fragonard, il réalise des carreaux représentant des histoires perses, tels que le Lion solaire, symbole de la religion zoroastrienne, ou encore les héros Rostam et son fils Sohrab, issus du Livre des rois (Shah Name), grand poème épique persan datant du X e siècle. Des carreaux hauts en couleurs et en symboles, réalisés et peints à la main, à Chiraz. ÉVASION Fragonard magazine 41 |