à retrouver le nom : Après l’Ondée de Guerlain. Cette petite anecdote témoigne de la puissance et de l’intensité de la mémoire olfactive, et des émotions liées aux odeurs, qui font surgir et convoquent des souvenirs parfois lointains, des moments perdus, la vision d’êtres chers aimés. Michèle Bimbenet-Privat Votre profession ? Je suis conservateur du patrimoine au musée du Louvre. Au département des Objets d’art, j’ai en charge la très belle collection d’orfèvrerie, de tabatières et de porcelaine et faïence. Votre lien avec le parfum ? Au cours de mon précédent travail, au musée national de la Renaissance à Ecouen, j’ai été commissaire d’une exposition qui explorait, sous le titre Le Bain et le Miroir, les pratiques d’hygiène et de beauté des contemporains de la Renaissance. Avec l’invention de l’imprimerie, cette période a connu une grande diffusion du savoir et les petits livres de « secrets de beauté », si nombreux, m’ont passionnée, ainsi que tous les petits objets liés aux cosmétiques et aux parfums. Un objet du Musée du Parfum ? Les « pommes de senteurs » dont le Musée du Parfum possède quelques beaux exemplaires en argent ou en vermeil, ce sont de véritables bijoux. J’avais constaté que les portraits de la Renaissance montraient les sérieux bourgmestres du nord de l’Europe tenant à la main de ces pommes de senteurs. En examinant celles qui s’ouvrent à quartiers comme de petits melons, j’ai pu lire, inscrits sur chaque fraction, les noms des substances qui y étaient conservées : thym, benjoin, citron, etc., autant dire des fragrances recherchées dont on connaissait aussi les pouvoirs thérapeutiques. Parfum et soin se rejoignaient pour ces édiles qui devaient assurer la santé de leurs administrés. Une histoire à partager ? Ma joie et grande surprise ouvrant une pomme de senteurs de la collection Fragonard, j’ai trouvé son contenant d’origine, une pomme d’ambre gris qui avait même gardé un peu de son parfum… je suis sûre qu’elle n’avait pas été ouverte depuis des siècles. Sophie Motsch Votre profession ? Depuis que j’ai reçu une maison de poupée pour mes 10 ans, j’aime les objets miniatures. Attachée de conservation au département XVII e -XVIII e siècles au musée des Arts décoratifs dont la devise est « Le beau dans l’utile », je m’intéresse aux objets de la vie quotidienne et aux bijoux. J’aime particulièrement une des collections du musée, composée de 260 flacons, coffrets, nécessaires, objets dont l’usage s’est perdu comme les boîtes à mouches ou les vinaigrettes (ancêtres des flacons de sels). Votre lien avec le parfum ? Mon intérêt pour le parfum remonte à l’enfance, le souffle du parfum de ma mère que je porte à mon tour, celui de mon grand-père et celui d’une grand-tante n’ont cessé de m’accompagner. Je suis partie à la recherche du souffle perdu des gens que j’aime, lorsque j’ai retrouvé au hasard de mes pérégrinations qu’il s’agissait de Jardins de Bagatelle, en fermant les yeux, j’ai eu la sensation très forte qu’elle m’apparaissait... La puissance d’évocation du parfum est si forte qu’il est presque surnaturel. Pour cette raison, je suis également très sensible aux associations parfums et lieux. Un objet du Musée du Parfum ? L’objet qui me touche le plus au sein de la collection Fragonard est un diffuseur de parfum en argent représentant une corbeille de fleurs en vannerie. La première fois que je l’ai vu, j’étais stupéfaite par sa petite taille et la délicatesse de son exécution. Ce qui me plaît dans cet objet, outre son caractère extraordinaire, c’est l’adéquation entre forme et fonction, alliées à des qualités esthétiques qui témoignent de la maîtrise d’un savoir-faire. Une histoire à partager ? En 1998, alors que je partais pour New York, j’ai découvert Herba Fresca de Guerlain à la boutique de l’aéroport. Dans une fulgurance étonnante, mon souvenir d’enfance convoqua en moi l’image charmante de mon grand-père tondant la pelouse sous le vrombissement des abeilles. Cette impression demeure toujours en moi lorsque je porte ce parfum, en même temps qu’il me rappelle ce premier voyage à New-York. Annick Le Guérer Votre profession ? Je suis anthropologue, historienne et philosophe, et je travaille sur l’odorat, les odeurs et le parfum depuis trente ans. Je suis l’auteur de plusieurs ouvrages dont Les pouvoirs de l’odeur et Le parfum : des origines à nos jours. Votre lien avec le parfum ? A l’époque où je faisais mes études à la Sorbonne, l’odorat passait pour un sens inférieur et ces thèmes n’étaient pas étudiés. J’ai fait partie avec Alain Corbin, Piero Camporesi, Georges Vigarello des premiers historiens à les prendre portrait Fragonard magazine 119 |