LIVRES 102 Fragonard magazine LES LECTURES D’HÉLÈNE COSTA RACONTÉES PAR AGNÈS Depuis mon enfance, j’ai été éduquée au plaisir de lire par le goût de la littérature de ma mère. Enfants, elle nous lisait Les contes du chat perché de Marcel Aymé et nous faisait découvrir le monde de Roald Dahl qui reste pour moi la découverte du merveilleux dans les romans pour enfants. Elle lisait beaucoup et partageait ses lectures. Plus tard, c’est moi qui me suis mise à partager les miennes avec elle et cette complicité me manque. Je la perpétue avec mes sœurs qui comme moi sont de grandes lectrices. Et je ne peux achever un livre qui m’a touchée, sans me dire combien j’aurais aimé le faire lire à ma mère. A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU MARCEL PROUST La série de livres composant À la recherche du temps perdu est un merveilleux travail de mémoire dans lequel le narrateur, tout à sa réflexion sur un monde aujourd’hui disparu, commence par raconter une histoire sans intrigue. Alternance de phrases courtes et interminables, métaphores poétiques et formulations virtuoses, le premier tome n’est qu’introspection, puis au fil des autres, la description d’une passion amoureuse, l’acuité des personnages, la virtuosité du style font de cette recherche un bijou qu’on ne peut plus oublier. CHEZ LES HEUREUX DU MONDE EDITH WHARTON Toute l’œuvre d’Edith Wharton occupait une place de choix dans la bibliothèque maternelle et nous partagions avec délices les bonheurs et les malheurs de cette société américaine du début du XX e siècle à travers des romans aussi ciselés que des bijoux, de famille bien sûr, car il s’agit toujours d’histoires d’amour souvent tragiques mais tellement romantiques. LETTRES DE LA MARQUISE DE SÉVIGNÉ Ces lettres ont bercé mon enfance. Ma mère aimait tant la marquise que je la croyais vivante. Je pensais qu’elle était une de ses amies à qui elle se confiait, avant de réaliser qu’elle avait vécu au milieu du XVII e siècle. J’ai alors compris que ma mère vivait, à travers les lettres que la marquise adressait à sa fille partie épouser le comte de Grignan, la passion d’une mère pour sa fille, désespérée de la distance qui les séparait, racontant jour après jour la vie quotidienne au temps de Louis XV, des faits les plus futiles comme la dernière tenue de cour aux plus importants comme la guerre de Hollande, la trahison de Fouquet ou encore le suicide de Vatel. Chroniques d’une époque, ces lettres sont aussi une écriture de l’intime, le journal d’une mère qui se raconte et c’est ce qui me pousse à recommander aujourd’hui cette lecture intemporelle de l’amour absolu d’une mère pour sa fille.