En exergue TGS : comme un avion sans ailes (Nota : les RTG ont été étudiées dans Ferrovissimo 32 et 33) Dans ce numéro de Ferrovissime, il est beaucoup question d’études aérodynamiques, notamment chez Alstom. Bien entendu, tous les autres constructeurs ferroviaires ont toujours pris grand soin à rechercher les solutions offrant la meilleure pénétration dans l’air aux engins qu’ils étudiaient. Et parfois, l’affaire prit les atours d’une étonnante aventure, comme celle que nous allons vous raconter ici, concernant les turbotrains — une catégorie d’engins dont le nom est indissociable de l’usine de Blanc-Misseron du constructeur ANF, aujourd’hui intégré au groupe canadien Bombardier. Notre histoire commence en 1967 — l’an 01 de la grande vitesse à la SNCF. Un mois avant le 28 mai, date de départ de la course commerciale quotidienne du Capitole « rouge » à 200 km/h, la SNCF réceptionne un drôle d’engin. À la base, l’X 4365 — un brave autorail EAD 330 kW construit chez ANF pour les omnibus de l’époque. Pour quelle raison la SNCF a-t-elle jeté son dévolu sur cet engin sans gloire, limité à 120 km/h, pour le consacrer premier explorateur de la grande vitesse ? Un miracle qui voit la remorque XRx 8579 recevoir une turbine d’hélicoptère Super-Frelon de 810 kW accouplée à une transmission hydraulique Voith. Puis, l’autorail diesel X 4365 et sa remorque devenue motrice à turbine XAS 2061 sont montés sur des bogies Y214, avant de voir installer, sur les deux extrémités de la rame, un masque aérodynamique en forme d’obus. Incroyable : ces masques sont fixés directement devant les faces frontales des caisses d’origine dont les cadres de pare-brise ne sont même pas démontés ! Et ça marche ? Eh bien oui, ce drôle d’hybride d’hélicoptère à turbine et d’autorail diesel, bricolé avec des artifices aérodynamiques simplissimes, roule même fort bien ! Lancé le 25 avril 1967, il passe le cap des 230 km/h dès le 13 juin, avant d’entreprendre une incroyable carrière d’essais durant laquelle il va parcourir 240 000 km dans des marches tracées entre 200 et 250 km/h ! Et comment se nomme-t-il, ce petit prodige ? TGV — comme « turbine à grande vitesse ». Un nom qu’il ne conservera pas longtemps. Et quand TGV signifiera « train à grande vitesse », on le rebaptisera TGS — comme « turbine à gaz spéciale ». Ce premier turbotrain connaît une longue descendance chez ANF : les ETG restent fidèles à la formule « turbine + diesel » qui chagrine les ingénieurs mais ravit les exploitants, le cumuldes avantages des deux motorisations procurant d’excellentes performances en toute occasion. Suivent les RTG « 100% turbine », exportées en Egypte, en Iran et aux USA. L’augmentation de la facture pétrolière achève, en 2004, les turbotrains de la SNCF. En Iran, c’est l’embargo, condamnant les turbines parvenues à limite d’usure, qui ressuscite la formule ETG diesel + turbine en installant un moteur Volvo dans certaines motrices. Un hommage à l’étonnant TGS, quarante-trois ans après !/JEHAN-HUBERT LAVIE CI-DESSUS : Sous cet angle, on reconnaît bien la « tôle ondulée » des faces latérales d’un X 4300 de série. Notez les trois baies frontales d’origine bien visibles à travers le masque. Le pare-soleil de série est utilisé ! CI-CONTRE : Pas de tampons ni d’attelage pour ce prototype à grande vitesse. (PHOTOS : DR/SNCF) ferrovissime N°1 Janvier 2008 |