66 ALPINISME rencontre Escape #44 Je me souviens de la dernière fois où nous nous sommes croisés, par hasard à Kleine Scheidegg, au pied de l’Eiger. Ueli était tranquillement en train de se changer après 30 km de course à pied sur 1500 m de dénivelée. Une routine pour cet homme que des heures et des heures d’entraînement n’effraient pas plus qu’un solo dans une des monstrueuses faces Nord des Alpes. A quelques jours de participer au Marathon de New York (finalement annulé à la dernière minute suite aux dégâts causés par l’ouragan Sandy) rencontre avec cet alpiniste hors norme qui ne cesse de faire évoluer l’alpinisme et d’en marquer son histoire. Comment as-tu commencé ta carrière d’alpiniste et comment en es-tu venu au solo et aux ascensions ultra rapides ? J’ai commencé avec l’escalade. J’ai même fait des compétitions. J’étais donc vraiment un pur grimpeur. Apres deux ou trois ans je me suis tourné vers l’alpinisme. Et en alpinisme il est important d’avancer aussi vite que possible. Donc « Speed », la vitesse, a toujours été quelque chose d’important. Pour le solo, je l’ai pratiqué dès le départ. C’est toujours quelque chose que j’ai fait. Au début en escalade j’ai fait beaucoup de voies en solo. Ensuite, quand j’ai commencé l’alpinisme j’ai aussi commencé à faire de la cascade de glace et des grandes faces sans corde. J’ai toujours aimé ces journées dehors, où j’étais vraiment tout seul. Tu étais charpentier avant, comment as-tu basculé vers une carrière d’alpiniste ? Tu ne peux pas planifier de faire carrière en alpinisme. Ce n’est pas un travail. Cela vient avec les années. Je grimpais toujours beaucoup. C’était ma grande passion. Je passais plus de temps en montagne qu’à travailler. Et puis j’ai eu un premier sponsor qui m’a aidé dans mon parcours. Jusqu'à ce que je réalise que je pouvais gagner ma vie en grimpant. Si ton objectif est de devenir un grimpeur professionnel tu n’en seras jamais un. C’est quelque chose qui t’arrive ou pas. Tout le monde t’appelle la Swiss Machine. Tu es un vrai athlète, avec une planification et des heures d’entraînements quasiment quotidiennes. Tu enchaînes réalisations dans les Alpes et expéditions en Himalaya avec succès et sans relâchement. Quel est ton moteur, ta motivation ? Pour moi c’est fondamental d’évoluer dans la vie, d’avancer. Je suis toujours en quête de nouveaux challenges. C’est ce qui me fait avancer. Je pense à des choses qui n’ont jamais été faites auparavant. Cela devient une obsession, une pure fascination. Alors je commence à m’entraîner pour cela. J’essaie d’évaluer ce qu’il me faut pour mener à bien mon projet et ensuite je fonce ! J’aime foncièrement m’entraîner. Cela m’apporte beaucoup dans ma vie. J’ai besoin de beaucoup travailler, cela me procure un certain bien être. Eprouves-tu des fois de la lassitude ? Comment gères-tu les périodes de fatigue où l’on perd la motivation ? Oui je connais cela et c’est normal. Il faut juste laisser passer. C’est un signe qu’il faut accepter. Et aussi je sens qu’avec les années qui passent je ne suis pas dans les mêmes dispositions qu’il y a dix ans. Mais c’est bien. J’ai plus d’objectifs et d’idées que je vais grimper qu’avant… Tu passes des voies dures en rocher au sommet de l’Everest sans oxygène. Comment arrives-tu à gérer une telle polyvalence poussée à son extrême ? J’aime grimper et j’aime l’alpinisme. Pour moi grimper en libre une voie sur El Cap*** et atteindre le sommet de l’Everest sans oxygène ont toujours été deux rêves. Pour atteindre cela tu dois séparer les choses. Tu dois savoir ce que tu veux. Si tu veux faire l’Everest, tu n’as pas besoin de grimper du 8c. Tu dois focaliser ton entraînement sur le cardio. C’est la même chose si tu veux faire une voie sur El Cap. Là tu dois te concentrer sur l’escalade. Et de cette manière, « grimper » avec tout ce que cela comporte, ne devient jamais ennuyeux. Qu’est-ce que tu trouves le plus dur à maintenir ? Ton niveau en escalade ? Ton niveau d’endurance physique ? Je pense que pour moi je dois davantage travailler mon cardio. Cela |