12 16– 31 JANV NVIE IER 201 3 Les chullpas, tours funéraires de Sillustani. Rencontre avec les fils du Soleil sur le lac Titicaca CHRISTIANE GOOR CHARLES MAHAUX 1 e partie S’il faut en croire la légende, c’est ici que tout a commencé, bien avant les Incas, dans cet océan lové au creux de la cordillère des Andes, là où se rejoignent les eaux du ciel et celles des fleuves, où finit le monde et commence le voyage vers l’éternité. Aujourd’hui encore, la légende reste vivace dans le cœur des indiens des hauts-plateaux andins. Que ce soit au pied des tombes de Sillustani, au gré des îles de roseaux qui flottent entre les bleus du ciel et du lac, ou encore au sommet de l’île de Taquile, tous essaient de sauvegarder leurs traditions tout en sacrifiant aux exigences du tourisme. Alors que la Terre était encore plongée dans les ténèbres, Viracocha, un dieu barbu et de race blanche, vivait caché dans les eaux obscures du lac Titicaca. Lassé de cette vie recluse, il fit surgir de l’eau, le soleil, la lune et les étoiles. Puis il sculpta dans la pierre des prototypes humains et fit jaillir du lac le premier Inca, Manco Cápac, et sa sœur épouse, Mama Ocllo. Le dieu Soleil leur intima l’ordre de partir à la recherche d’une terre fertile pour y créer un empire. Pour les aider à découvrir ce site idéal, il leur donna un bâton d’or qui devait s’engouffrer dans les entrailles de la terre promise et se désigner ainsi au couple royal. Ce fut à Cuzco que le bâton s’enfonça et disparut dans le sol. Ce fut donc Cuzco, dont le nom signifie « nombril » en langue quechua, qui devint le centre de l’empire du Soleil. Manco Cápac enseigna aux hommes à cultiver la terre tandis que Mama Ocllo apprit aux femmes à tisser. La dynastie inca était née. Les ancêtres veillent encore Berceau des origines de l’humanité, le lac a conservé son caractère sacré auprès des pêcheurs et des bergers. Les vieux racontent en langue aymara comment l’époque inca s’est éteinte le jour décidé par les dieux, avec l’arrivée des Viracochas, ces blancs barbus qui conquirent le monde créé par le dieu caché dans les profondeurs du lac. Quand la nuit réunit les familles autour de l’âtre qui réchauffe à peine les maisons, les enfants aiment écouter cette histoire séculaire, qu’ils répéteront sans doute à leur tour à leur descendance. Nombreux sont encore les Indiens qui sacrifient aux dieux du lac, en plaçant au sommet de l’île du Soleil des crapauds Les barques en roseaux sont si étroites qu’un seul homme y trouve place. enfermés dans des jarres de terre cuite, pour attirer la précieuse eau du ciel qui bénira leurs récoltes. La petite presqu’île de Sillustani dessine dans la lagune de Umayo la forme d’un doigt dirigé vers le soleil levant. Sur son sommet où paissent quelques lamas, se dressent d’étranges silhouettes de pierres, qui rappellent que, bien avant l’arrivée des Incas, vivaient ici d’autres peuplades, les Collas, qui croyaient que le site était chéri des dieux. Les tours rondes, épaisses et hautes de près de dix mètres sont édifiées autour de Mahaux Photography Une île flottante occupée par des indiens Aymaras qui perpétuent la tradition des Uros, disparus dans les années 50. deux cercles magiques consacrés à la lune et au soleil. Chaque tombe abritait des momies en position fœtale que l’on introduisait par une porte dérobée, située à la base des tours funéraires, en direction du soleil levant pour que celui-ci puisse pénétrer au cœur de la sépulture et y faire renaître le défunt. Ces chullpas, géants de pierre balayés par les vents, sont restés fidèles à leur poste, indifférents aux siècles qui passent. Ils veillent encore sur le sommeil éternel de princes d’une des plus importantes civilisations précolombiennes. Les îles flottantes des Uros Jacinto fait glisser lentement sa balsa de totoras, une légère embarcation de roseaux, déjà vieille et imbibée d’eau, au creux des épaisses roselières qui poussent en grappes le long des rives du lac. Hier soir, il a tendu quelques dizaines de mètres d’un filet dont les trous sont presque aussi nombreux que les mailles. À ses pieds, dans une cuvette, frétillent quelques truites de petite taille. Une pêche bien maigre mais qui agrémentera ce soir un plat de quinoa, cette graminée native des Andes, plus riche en protéines que le mil. Cette nuit encore, le ciel était parsemé d’étoiles lumineuses et le thermomètre est descendu bien en dessous de zéro degré. C’est que le Titicaca, cette mer intérieure de près de 8.000 km 2 que se partagent le Pérou et la Bolivie, se situe à plus de 3.800 mètres d’altitude, ce qui en fait le plus haut lac navigable du monde. Une légère Mahaux Photography pellicule de glace s’est formée le long du rivage, dans les anses abritées par les roseaux. L’horizon est noyé dans un léger brouillard qui s’effiloche rapidement sous l’effet des premiers rayons de soleil. Une nouvelle journée commence sur le lac sacré. Quand il accoste sur son île, Jacinto est accueilli par des enfants rieurs qui sucent de jeunes pousses de totoras, riches en iode. Cinq minutes suffisent pour arpenter le domaine de Jacinto : quelques huttes en roseau simplement posées sur une île artificielle, formée par une superposition de gerbes de roseaux tressés, que les habitants empilent au fur et à mesure que les couches immergées dans le lac pourrissent. Poser le pied sur ce sol donne l’impression étrange de marcher sur un lit d’eau. Pour éviter que la plateforme ne dérive, poussée par le vent, les Indigènes ancrent leurs radeaux en plantant dans le fond du lac de grandes perches d’eucalyptus, imbriquées dans l’enchevêtrement des racines de roseaux. Les Indigènes qui vivent aujourd’hui sur la quarantaine d’îles flottantes du lac Titicaca se prétendent Uros mais ce sont en fait des descendants métissés d’Uros, d’Aymaras et de Quechuas, car les derniers Uros se sont éteints dans la première moitié du vingtième siècle. Aujourd’hui, ils survivent sur leurs matelas d’eau, tributaires des flots de touristes qui envahissent leurs îles, séduits par ce décor de paille dorée où ils peuvent acheter des babioles artisanales offertes dans une extraordinaire galerie à ciel ouvert. Mahaux Photography Le lac Titicaca pratique Les formalités : seul le passeport en cours de validité est demandé. La monnaie : l’unité monétaire est le nuevo sol. Mais la monnaie référentielle est le dollar américain. Les cartes de crédit les plus connues sont acceptées partout. L’euro se change facilement. Y aller : pour se rendre sur le lac Titicaca, le plus rapide est l’avion en passant par une ligne intérieure qui relie Lima à Jiuliaca. Il reste à rejoindre Puno, sur les bords du lac en taxi ou en bus, soit une heure de route. Au départ de Puno, départ quotidien matinal de bateauxcharters vers les îles flottantes et l’île de Taquile. Il faut compter à peu près 20 € le voyage en bateau AR. Le site de Sillustani à 30 km de Puno peut se joindre en bus ou en taxi. Un contact sur place ? Aventura latinoamericana (www.perou.net), une organisation de voyage belge et donc francophone avec licence au Pérou et sa propre équipe sur place. Une adresse avec un excellent rapport qualité/prix pour traiter en direct un programme de voyage personnalisé. Et pour des séjours solidaires : www.solidaireincatour.com Saison idéale : le climat aussi diversifié que le relief mais à cette altitude des Andes, les températures moyennes se situent entre 15° et 20° toute l’année. Prévoir un bon coupe-vent pour la traversée du lac. La période avril-octobre qui correspond à l’hiver austral est idéale pour éviter la saison des pluies. Se loger : à Puno, le Francis Hotel (www.francispuno.com) offre des chambres confortables au centre de la ville à partir de 60$ la chambre double. Savoir que les nuits sont très froides dans les Andes et que la plupart des hôtels ne sont pas chauffés. À Taquile, l’hébergement sur l’île est organisé par les habitants eux-mêmes qui répartissent les touristes chez les uns ou les autres, par roulement. Il s’agit d’un logement chez l’habitant et le confort est rudimentaire, à l’image de la vie à Taquile. Le prix est dérisoire, quelques euros. Se restaurer : se nourrir ne coûte pas cher au Pérou. Pour 3 euros, il est déjà possible d’avoir un menu complet, boisson comprise. À Puno, il suffit de flâner et de pousser les portes des nombreux restaurants du centre ville, entre autres le long de la La Jirón Lima, une rue piétonne très fréquentée. Ne pas hésiter à manger des pizzas cuites dans des fours en terre. À Taquile, tous les restaurants offrent la spécialité locale, une truite grillée au citron vert. Il reste à choisir la plus jolie terrasse. |