2 International www.lagrandeepoque.com 1 – 15 OCTOBRE 2010 ● La Grande Époque Le Canada préoccupé par la pollution du lac Athabasca Des poissons déformés trouvés en aval des sables bitumineux Lorsque les entreprises impliquées dans l'extraction des sables bitumineux affirment qu'aucune de leurs émissions toxiques trouvent leur chemin jusqu'à la toute proche rivière Athabasca, David Schindler – un professeur d'écologie de réputation internationale à l'Université de l'Alberta – ne peut qu'être sceptique. Et ceci plus encore lorsqu'on rapporte la présence de poissons difformes dans la région et que les critiques fusent à l'égard du Programme de surveillance aquatique régional (PSAR), le groupe public-privé chargé de surveiller la qualité de l'eau dans la région des sables bitumineux. Le PSAR affirme que l'industrie des sables bitumineux n'est pas responsable de l'augmentation de la toxicité dans la rivière. David Schindler estime cependant qu'il n'est pas plausible que les centaines de kilos d'émissions toxiques relâchées dans l'atmosphère, que l'industrie elle-même reconnaît, ne se retrouvent pas fi nalement dans la rivière. « Ça ne fait tout simplement pas de sens d'affirmer que rien n'aboutit dans la rivière, tout en disant que beaucoup se retrouve dans l'atmosphère », explique-t-il. Il a donc mené une étude sur le sujet, dont le résultat est un article co-écrit avec des chercheurs de l'université de l'Alberta, de l'université Queen's et de l'ONG Oceana. L'article conclut que le développement des sables bitumineux contribue substantiellement à la pollution de la rivière Athabasca par l'entremise de l'air et de l'eau. L'article, publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences, indique que durant l'été les concentrations d'éléments toxiques sont plus élevées près des zones de développement qu'en amont du développement. Il est également mentionné que les découvertes de l'enquête confirment « les sérieuses défectuosités du PSAR » en raison de son incapacité à déceler ces spectres de pollution dans la rivière. « Un programme de surveillance robuste pour mesurer l'exposition et la santé des poissons, de la faune et des humains devrait être mis en place dans la région affectée par le développement des sables bitumineux », conclut l'article. L’article scientifi que a immédiatement suscité l'attention des gouvernements provincial et fédéral canadiens. Dernièrement, David Schindler a reçu la visite du ministre canadien de l'Environnement, Jim Prentice. Ce dernier lui a annoncé qu'un groupe d'experts serait mis sur pied pour réviser le programme de surveillance du PSAR. « Nous allons obtenir l’avis des meilleurs CANADA, Fort McMurray : Vue aérienne des installations d’extraction de sables bitumineux de Suncor sur les rives de l’Athabasca près de la ville de Fort McMurray, Alberta, le 23 octobre 2009. scientifi ques au Canada à propos de ce qui passe, et nous allons agir », a déclaré M. Prentice au Globe and Mail. David Schindler s'est dit satisfait du résultat de son entretien avec le ministre, soulevant que le programme de surveillance devrait être administré au niveau fédéral, car « il s'agit de la seule organisation qui ait la compétence pour le faire. » David Schindler, d'autres scientifi ques, des résidents locaux et des chefs des nations natives – les Indiens, ont signé une lettre envoyée au Premier ministre, Stephen Harper, demandant des fonds pour établir un programme de surveillance à long terme de la santé des poissons dans la rivière Athabasca, le delta de l'Athabasca et le lac Athabasca. La lettre a été envoyée le jour précis où des pêcheurs locaux ont exposé à Edmonton des poissons avec des déformations et des tumeurs qui ont été pêchés en aval des sables bitumineux. « Les pêcheurs ont remarqué que l'incidence et la fréquence de la présence de poissons malades dans leurs prises ont augmenté substantiellement avec le temps », indique la lettre. La chef de la nation native Cree Mikisew, Roxanne Marcel, une des cosignataires de la lettre, affirme que des membres de sa communauté sont préoccupés par ces poissons depuis longtemps. « Ils doivent faire quelque chose », implore-t-elle. « Je crois qu'il revient au gouvernement fédéral de s'assurer que quelque chose soit fait. Nous avons présenté ce problème au niveau provincial auparavant et rien n'a été fait. » Elle avance que la pollution résultant de l'exploitation des sables cause également des taux de cancer plus élevés dans Un poisson déformé dans le lac Athabasca. la région, un problème – parmi plusieurs autres – pour lequel un suivi est effectué auprès de différents ministères. Les poissons malades ne sont qu'un aspect de l'affaire, dit-elle. Le Premier ministre de l'Alberta, Ed Stelmach, a indiqué peu après la publication de l'étude de Schindler que les scientifi ques du gouvernement devraient rencontrer les auteurs du rapport afi n de déterminer pourquoi ils en arrivent à des conclusions différentes. « Nous surveillons [la qualité] de l'eau dans la rivière Athabasca depuis le début de l'extraction des sables bitumineux. Nous avons une bonne étude de référence et nous pouvons travailler à partir de ça », affirme M. Stelmach. « Dans ce cas particulier, nous allons John Ulan/EPIC Photography comparer les données et en arriver à une conclusion. Et si cela veut dire que nous devons faire quelque chose de plus, nous allons le faire. » Les remarques d'Ed Stelmach différent de celles du ministre albertain de l'Environnement, Rob Renner, qui s'était prononcé auparavant sur le sujet. Il avait insisté sur le fait que ses scientifi ques lui avaient dit que les toxines dans la rivière étaient le résultat d'un phénomène naturel et qu'elles ne posaient aucun risque. Un porte-parole du ministère de l'Environnement albertain a réitéré les commentaires du Premier ministre selon lesquels il est souhaité que les deux groupes de scientifi ques se rencontrent afi n de comparer leurs études. « Nous avons mis l'offre sur la table David Schindler estime qu’il n’est pas plausible que les centaines de kilos d’émissions toxiques relâchées dans l’atmosphère, que l’industrie ellemême reconnaît, ne se retrouvent pas fi nalement dans la rivière. et ils n'ont pas encore fi xé la date de la rencontre », indique le porte-parole Chris Bourdeau. Il fait remarquer le PSAR n'est pas le seul programme de surveillance en place. « Il y a différents types de surveillance multicouches en place. » Il cite le programme Long-TermRiver Network, qui effectue l'échantillonnage régulier des rivières importantes de la province depuis des décennies, et il mentionne que l'évaluation est également effectuée au niveau fédéral. « Nous avons confi ance dans nos activités de suivi et dans ce qu'elles nous rapportent. Nous effectuons la collecte depuis les 30 dernières années. » Quant à l'incursion de Jim Prentice, qui a annoncé une révision du PSAR, M. Bourdeau a dit : « Nous accueillons certainement [toutes initiatives] qui peuvent renforcer notre programme de surveillance. » Le ministre provincial de l'Environnement, Rob Renner, avait plus tôt affirmé que la province était capable d'améliorer le programme de contrôle par elle-même si besoin et qu'une intervention du gouvernement fédéral n'était pas nécessaire, ont rapporté des médias. David Schindler mentionne qu'il n'est pas intéressé de seulement rencontrer des responsables environnementaux de l'Alberta, puisqu'il les a déjà rencontrés à deux reprises au sujet du même ensemble de données. Il propose plutôt que la province mette sur pied un groupe d'experts afi n de superviser le programme de surveillance et qu'elle « révèle son ensemble de données magiques qui démontre que tout est normal. » « C'est essentiellement la même chose que j'ai recommandé au ministre fédéral de l'Environnement », dit-il, ajoutant qu'il a aussi suggéré de doter le groupe de supervision de quelques scientifi ques possédant une expertise en émissions atmosphériques et en bassins hydrologiques. OMID GHOREISHI Je m’intéresse au monde, je lis La Grande Époque Abonnez-vous dès aujourd'hui en remplissant le bulletin d'abonnement page 15 33 PAYS 17 LANGUES 1 JOURNAL La Grande Époque The Epoch Times |