4 International www.lagrandeepoque.com 16 – 31 JUILLET 2010 ● La Grande Époque L’Inde inquiète des projets liant Chine et Pakistan BANGALORE— Le ministre indien de la Défense fait partie des personnes inquiètes des effets délétères d’un partenariat renforcé entre Chine et Pakistan. Ses dernières fl èches verbales ont visé le projet de ligne ferroviaire reliant Chine et Pakistan, projet qui prévoit de traverser la région disputée du Gilgit-Baltistan, au coeur des états de Janmu et du Cachemire disputés depuis plus de 60 ans entre Inde et Pakistan. La ligne serait longue de 700km, et traverserait la chaîne montagneuse de Karakoram dans l’Himalaya. Pour l’Inde, autoriser la construction n’est pas une option envisageable : « C’est évidemment une source d’inquiétude » a expliqué le ministre de la Défense indien M. Pallam Raju. « Mais nous avons tout une série de contre-mesures possibles, et nous nous y préparons. » M. Raju, qui n’a pas souhaité préciser les mesures envisagées, a cependant indiqué que Chine et Pakistan ont maintenant clairement montré qu’elles « travaillent et coopèrent étroitement » sur les questions de défense et de stratégie. La terre Le protocole d’accord sur la ligne Karakoram a été signé à Pékin par le président pakistanais Asif Ali Zardari le 8 juillet lors de sa visite offi cielle et de sa rencontre avec son homologue chinois Hu Jintao. Ashfaq Khattak, le directeur général des chemins de fer pakistanais, accompagnait M. Zardari pour l’occasion. Les études de faisabilité préliminaires du projet, qui devrait connecter toutes les grandes villes pakistanaises jusqu’à la mer d’Oman, sont terminées. Le projet, né en 2004, est aujourd’hui accéléré La dernière fois qu’Omar Al Bachir a reçu une notifi cation par une cour internationale en 2009, il a indiqué que les procureurs feraient mieux de « manger » son mandat d’arrêt, et il a dansé devant des milliers de ses sympathisants. Le président soudanais est dans le viseur de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, du fait de son rôle organisateur dans le confl it au Darfour. En 2009, Al Bachir indiquait que le document d’accusation ne « valait même pas l’encre utilisée pour l’écrire » En avril cette année, la position du Président soudanais a semblé confortée par sa réélection facile à la tête de l’État soudanais – plus de deux tiers des votes, grandement expliqués par le refus des principaux opposants de participer à un scrutin décrit comme biaisé. Cependant, plusieurs signes montrent que la situation n’est pas si rose pour le premier chef d’État de l’histoire à avoir été mis en accusation par la CPI dans l’exercice de ses fonctions. Omar Al Bachir n’a pas pu réaliser plusieurs voyages offi ciels de peur d’y être arrêté, et les appels vigoureux par ses alliés régionaux à un arrêt des poursuites ont été poliment ignorés. Lundi 12 juillet, la CPI a de plus émis un second mandat d’arrêt contre lui, cette Pékin : Trop de précipitation de la part du président pakistanais Zardari (g) ? par le renforcement des liens entre Chine et Pakistan. Pékin souhaite en particulier, indique Anatol Lieven, professeur du King's College de Londres que cite Russia Today, que le Pakistan puisse lui servir de corridor énergétique : « La Chine est très inquiète du fait que son économie est dépendante des routes maritimes… et que dans tout futur confl it, la marine indienne puisse facilement bloquer ces voies maritimes. » Dans la même ligne stratégique, The Hindu révèle que Pékin a également décidé d’un investissement de 525 millions de dollars pour la construction d’une autoroute au Cachemire pakistanais. L’eau Le projet de ligne ferroviaire ajoute une tension supplémentaire à celles existant déjà entre les trois pays. En juin, la Chine a proposé de vendre deux réacteurs nucléaires au Pakistan, provoquant la colère de Delhi et de Washington. En septembre dernier, l’Inde avait également vigoureusement protesté contre le projet de construction par la Chine d’un barrage hydroélectrique dans la partie du Cachemire administrée par le Pakistan – une région que Delhi considère toujours faire partie de son territoire. Le Times of India rapporte que la Chine s’est engagée à investir dans le projet de barrage hydroélectrique sur le rivière Neelum Jhelum. L’attentat à la roquette qui a blessé des ingénieurs chinois dans un hôtel pakistanais le 7 juillet a seul freiné des accords plus importants. D’après l’agence offi cielle Associated Press of Pakistan la Corporation des Trois Gorges aurait accepté d’investir plus de 100 milliards de dollars dans des projets de développement de l’hydroélectricité au Pakistan. « D’ici cinq ou six ans, je pense que Omar Al Bachir de plus en plus isolé au Soudan Luis Moreno-Ocampo, procureur à la CPI JOHN THYS/AFP/Getty Images Alexander F. Yuan - Pool/Getty Images les relations entre Chine et Pakistan dépasseront les relations entre Pakistan et États-Unis, en particulier parce que la Chine est prête à investir dans des secteurs non-militaires », explique à Al Jazeera, Rohit Honawar, un analyste du Pakistan du Strategic Foresight Group, à Bombay. Le feu Cerise sur le gâteau, la Corporation Nucléaire chinoise a confirmé la construction de deux réacteurs nucléaires au Pakistan. Toujours selon Al Jazeera, dont l’avis est partagé par la plupart des médias internationaux, la brèche de l’accord nucléaire sino-pakistanais a été ouverte par l’alliance nucléaire entre Inde et États-Unis, signée en 2008 malgré les alertes sur le fait qu’elle pourrait détruire le consensus de non-prolifération nucléaire dans la région. Cependant, comme l’indique le Carnegie Center, les États-Unis et l’Inde avaient eux débattu publiquement de l’accord avec tous leurs partenaires. Surtout, ils avaient obtenu une dérogation à l’embargo imposé par le Groupe des Fournisseurs Nucléaires (GFN), l’organe de contrôle des exportations de matière fi ssiles, composé des pays exportateurs ou producteurs de matériel et de technologie nucléaire. Ils avaient également dû s’engager à respecter les garde-fous imposés par l’Agence Internationale à l’Énergie Atomique. Dans le cas de la Chine et du Pakistan par contre, indique le Carnegie, il s’agit « d’un accord secret, conclu en secret. […] La Chine semble vouloir court-circuiter le GFN plutôt que de faire appel à son jugement. » HITESH DEVNANI ET AURELIEN GIRARD fois avec la charge aggravée de génocide. Bachir est maintenant accusé d’avoir armé les milices Janjawid pour qu’elles opèrent les nettoyages ethniques des Fur, Masalit et Zaghawa au Darfour. Les nouvelles charges contre lui incluent : « génocide par assassinat, génocide par atteinte grave à l’intégrité physique ou psychologique et génocide par l’imposition volontaire sur chaque groupe cible de conditions de vie planifiées pour provoquer la destruction physique du groupe. » « Ce second mandat d’arrêt ne remplace ni ne révoque en aucune façon le premier mandat d’arrêt » ajoute un communiqué de la Cour. Omar Al Bachir dénie l’accusation de génocide de même que les accusations du premier mandat de mars 2009. Celui-ci incluait cinq accusations de crime contre l’humanité y compris assassinat, extermination, déplacements forcés, torture et viol. Il mentionnait aussi deux accusations de crime de guerre pour avoir ordonné des attaques contre des civils et des pillages. Les accusations de génocide faisaient déjà partie du premier texte de mandat d’arrêt en 2009, mais avaient alors été rejetées par la Cour en 2009. Le Procureur Luis Moreno-Ocampo avait fait appel de cette décision en argumentant que le critère posé pour accepter l’accusation de génocide était trop élevé pour que quoi que ce soit excepté une seconde Shoah soit qualifi é de génocide. La Cour a décidé de suivre son avis. Même des soutiens historiques comme l’Egypte et la Russie, qui avaient en 2009 considéré que le premier mandat posait un « dangereux précédent », n’ont pas assisté à la cérémonie de prise de fonctions d’Omar Al Bachir suite à sa réélection en avril. Le président soudanais semble donc de plus en plus isolé ; son seul déplacement étranger récent a été l’Ethiopie, un pays non adhérent à la CPI et donc non tenu d’appliquer le mandat d’arrêt – la Cour rappelle cependant que les pays non-membres doivent malgré tout, d’après la loi internationale, « coopérer pleinement » avec elle. Elle a d’ailleurs saisi, au mois de mai, le Conseil de Sécurité des Nations unies au sujet du refus par le Soudan de livrer son Président à la justice. Plus de 300.000 civils ont perdu la vie pendant les sept années du confl it au Darfour. STEPHEN JONES |