2 International www.lagrandeepoque.com COLOMBIE Santos élu président sur le score historique de 69% des voix Pourra-t-il réduire la tension avec le Venezuela ? BOGOTA - Jamais dans l'histoire de la Colombie un président n'avait été élu sur un score aussi considérable que celui obtenu le 20 juin au second tour par le conservateur Juan Manuel Santos, dauphin du président sortant Alvaro Uribe. Avec 69,05% des voix, il estompe même, en Amérique latine, les records personnels de 61% des suffrages établis lors d'une présidentielle tant par le président Hugo Chavez du Venezuela que par une autre icône de la gauche régionale, le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Exceptionnel aussi est l'écart de plus de 40 points entre Santos et son adversaire Antanas Mockus, ancien maire de Bogota et candidat du Parti Vert, qui n'a séduit que 27,52% des votants. Ces résultats, non contestés par les observateurs internationaux, reposent sur le dépouillement de 99,91% des bulletins de vote. La faible participation jette une ombre. À peine 44,48% des 30 millions d'électeurs (pour 46 millions d'habitants) se sont rendus aux urnes, contre 49,24% le 30 mai dernier au premier tour. L'absence d'émotion, la victoire de Santos étant jugée d'avance certaine, la pluie et la concurrence du Mondial de football (trois matchs télévisés dimanche) n'ont pas favorisé la participation. Elle s'inscrit toutefois dans la moyenne historique. À titre indicatif, la participation aux élections présidentielles colombiennes de 2006, 2002, 1998, 1994 et 1990 a été, respectivement, de 45,11%, 46,47%, 51,55%, 34,2% et 43,5%. Candidat du Parti social d'Unité nationale, dit Parti de l'U (droite), créé pour soutenir la réélection du président Uribe en 2006, Juan Manuel Santos a bénéfi cié au second tour, en promettant un gouvernement « d'unité nationale », du ralliement des deux autres composantes de la droite colombienne, le Parti Conservateur et le Parti Changement Radical, ainsi que de la majorité du Parti Libéral. Au Congrès de la République (Parlement), Santos bénéfi ciera théoriquement de l'appui de plus de 80% des 268 députés et sénateurs élus aux législatives du 14 mars dernier. Pareille base parlementaire est elle aussi historique. Sexagénaire l'an prochain, économiste formé notamment à Harvard, journaliste et Juan Manuel Santos à Bogota le 20 juin. sous-directeur du quotidien de référence, El Tiempo, à l'époque où ce grand journal colombien appartenait à sa famille, Juan Manuel Santos est surtout un grand commis de l'État. Ministre du Commerce extérieur sous un gouvernement libéral, puis ministre des Finances d'un président issu du Parti Conservateur, il rejoindra le président Uribe après l'élection de ce dernier en 2002 et créera avec lui l'espace politique qui marginalisera progressivement les deux grands partis historiques colombiens, le conservateur et le libéral, simples forces d'appoint aujourd'hui de « l'uribisme » dont Santos est désormais le chef. Au terme de deux mandats consécutifs, le président Uribe ne pouvait pas en briguer un troisième. Il remettra son écharpe présidentielle le 7 août à son dauphin. Ministre de la Défense de 2006 à 2009, Juan Manuel Santos a incarné la politique dite de sécurité démocratique qui a cimenté la popularité d'Alvaro Uribe. La guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), fi nancée par le narcotrafi c et soutenue par le Venezuela, a enfi n été acculée militairement. Santos a même fait bombarder un camp des FARC dans un pays voisin, l'Equateur. Il a été aussi l'instigateur de la spectaculaire opération Jaque, lors de laquelle l'armée colombienne a libéré le 2 juillet 2008 quinze otages des FARC, dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt. Elle annonçait la semaine dernière qu'elle voterait le 20 juin à Paris pour Santos, son « libérateur ». Avec le nouveau président élu, promoteur de l'accord militaire qui offre aux États-Unis l'usage d'au moins sept bases colombiennes, les FARC et leur allié Hugo Chavez ne peuvent plus raisonnablement miser sur le commerce politique d'otages pour infl uer sur la Colombie. Santos refuse tout dialogue avec la guérilla tant qu'elle n'aura pas libéré tous ses otages, que Bogota continuera à tenter de récupérer par la force, comme le général, les deux colonels et le sergent arrachés le 13 juin dernier des mains des rebelles. « Je serai le président de l'unité nationale » clamait Santos à ses partisans au soir Quelle présidence de l’Union pour la Belgique ? Suite de la première page Catherine Ashton, haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aurait de son côté obtenu la garantie qu’elle aurait les moyens de poser les premières pierres d’un « ministère des Affaires étrangères » européen, le Service européen pour l’Action Extérieure (External Action Service). La crise grecque devrait aussi marquer l’entrée du mot « solidarité » dans le langage offi ciel européen : si l’aide apportée PUBLICITÉ FRANCE à la Grèce doit rester une exception pour inciter les membres à la vertu budgétaire, la présidence belge devrait d’après Europolitics entériner la « clause de solidarité » qui prévoit un secours par les pays membres à tout pays de l’Union victime d’une catastrophe majeure – de l’attaque terroriste au désastre naturel. Les valises politiques de M. Leterme étant déjà bouclées, se pose cependant la question du maintien de cet agenda par son successeur. Bart de Wever, le nationaliste fl amand grand vainqueur des architecte d’intérieur cfai législatives belges, a cependant assuré le 23 juin au président de la Commission européenne José Manuel Barroso que les négociations pour la constitution d’un nouveau gouvernement belge n’affecteraient pas la présidence belge : « Notre but est d’avoir un gouvernement en place en octobre, lorsque le travail réellement important de la présidence commencera » explique de Wever, cité par EurActiv. Dans une discussion focalisée sur les diffi cultés budgétaires des membres de l’Union et sur le besoin d’arriver JUAN BARRETO/AFP/Getty Images de sa victoire. Il a affirmé « recevoir avec humilité le vote le plus ample jamais obtenu par un candidat au cours de notre histoire ». Rendant hommage au président sortant, il a estimé que « ce triomphe est aussi celui du président Uribe. Les Colombiens n'ont que gratitude et reconnaissance pour son oeuvre magnifi que ». Coup de chapeau aussi de Juan Manuel Santos à son adversaire du second tour, Antanas Mockus. Ce dernier avait rapidement félicité Santos, qui lui a attribué le mérite d'avoir « fait réfl échir la Colombie à la valeur de la vie, la valeur de la transparence et de la légalité ». Et d'ajouter : « Vous et moi partageons ces drapeaux et je vous invite à les maintenir ensemble hissés haut ». Lutte contre le chômage et la pauvreté, priorité à l'éducation et lutte sans merci contre la guérilla sont de grands axes confi r- més dimanche soir par Santos. Quoique sur la défensive, les FARC et l'ELN (Armée de libération nationale) préoccupent toujours. La journée électorale a été meurtrière. Des affrontements ont fait au moins seize morts, 1 – 15 JUILLET 2010 ● La Grande Époque sept policiers, trois militaires et six guérilleros. Un autre défi important est l'amélioration de l'image internationale de la Colombie et de ses relations avec ses voisins. Invoquant de graves manquements aux droits de l'homme, le Congrès des États-Unis n'a toujours pas ratifi é un accord bilatéral de libre-échange signé en 2006. Le Parlement européen et les législateurs de pays de l'Union européenne pourraient compliquer pour les mêmes raisons l'entrée en vigueur d'un autre accord de libre-échange, celui conclu en mai dernier à Madrid entre la Colombie et l'UE. L'Equateur, voisin de la Colombie, n'a pas encore rétabli pleinement ses relations diplomatiques avec Bogota, rompues après le bombardement par l'armée colombienne, au prix de 26 morts le 1er mars 2008, d'un camp des FARC en territoire équatorien. Un autre voisin, le Venezuela de Hugo Chavez, gèle depuis un an les relations bilatérales tant diplomatiques que commerciales en réaction à l'accord militaire qui offre aux forces américaines l'usage de bases colombiennes. Hugo Chavez avait menacé de fermer totalement le Venezuela aux exportations colombiennes si Santos, qu'il qualifi ait de « danger pour la paix du continent », était élu président... À ces deux voisins de gauche alliés au sein de l'ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques), Santos a proposé dimanche soir de ranger le passé et « d'ouvrir des chemins de coopération ». Selon le président élu, « tous les pays du monde, surtout ceux de la région, peuvent être sûrs de trouver en notre gouvernement un allié » et « la diplomatie sera l'axe de nos relations internationales ». Un troisième voisin, plus puissant, le Brésil, a félicité Santos et s'est réjoui de la « maturité de la démocratie colombienne » dans un message envoyé par le président Luiz Inacio Lula da Silva. Lula en a profi té pour inviter Juan Manuel Santos « à renforcer l'Unasur », l'Union des nations sudaméricaines au sein de laquelle la Colombie s'estime parfois rudoyée par les gouvernements de gauche encore majoritaires en Amérique du Sud. Latin Reporters.com à un mode de gouvernance permettant de réguler la dette des États – probablement sur le modèle de gouvernance économique récemment proposé par l’Allemagne et la France, MM. Barroso et De Wever semblent avoir trouvé un langage commun : toujours dans EurActiv, M. Barroso a en effet décrit la rencontre comme ouverte et positive. « J’ai tout à fait confi ance dans le fait que la Belgique, qui a toujours été au centre de l’intégration européenne, le restera pendant et après sa présidence, et ma discussion avec M. De Wever a renforcé cette conviction ». Cet optimisme sera à mettre à l’épreuve des faits dès la rentrée, le déroulé de la présidence belge étant largement soumis à l’approbation des gouvernements régionaux belges et dans un contexte où ceux-ci pourraient se déclarer une guerre sans merci si les premières annonces du nouveau gouvernement belge devaient préparer l’éclatement physique du royaume. AURÉLIEN GIRARD |