ESPACE ENTREPRISES I ITINÉRAIREC.H. : C’est vrai. Mais nos bois servent aussi couramment de pylônes électriques ailleurs, en Afrique notamment. Qui aurait cru, il y a trente ou quarante ans, que le résineux ardennais se vendrait un jour aussi loin ? EA : Etonnant d’ailleurs de voir à quel point la réputation de l’entreprise a traversé les frontières ! C.H. : Avouons qu’on y a quand même mis pas mal d’énergie. On ne cherchait pas spécialement l’export, mais au fond pourquoi pas… Maintenant, faire tourner l’entreprise est un vrai combat quotidien. Bien acheter, ni trop tôt ni trop tard… Et puis, bien vendre, surtout. Ce n’est pas de tout repos. EA : En dix ans, le chiffre d’affaires de l’entreprise a quasi doublé. On en est aujourd’hui à 8 millions d’euros. L’entreprise a donc de beaux atouts à faire valoir…L.V. : C’est une certitude. L’industrialisation de nos process n’est évidemment pas étrangère à tout cela. Nous disposons, je pense, d’un outil très performant et d’un personnel qualifié de premier ordre. Maintenant, je crois que c’est surtout la meilleure utilisation de la matière première qu’il faut épingler. Les volumes sont moins importants que par le passé, mais on valorise davantage la ressource. C’est donc à la fois une gestion intelligente et plus durable. EA : Si vous deviez résumer l’ensemble de votre démarche d’entreprise en trois phrases ? C.H. : Acheter le bois sur pied au meilleur prix possible, puis organiser l’abattage, l’ébranchage et le débardage. Transporter ensuite le bois jusqu’à notre site de transformation, ici, à Manhay. Et puis, là, utiliser la ressource de la manière la plus optimale pour maximiser le potentiel via différents produits semi-finis et finis. 32 - Entreprendre aujourd’hui N°170 - septembre 2015 EA : Les produits finis offrent plus de rentabilité, mais le cycle de production ne grève-t-il pas la trésorerie ? C.H. : Les cycles de production ne sont pas seuls en cause, il y a toujours un laps de temps quasi incompressible entre l’achat du bois sur pied et la vente proprement dite. C’est d’ailleurs la raison qui pousse les négociants comme nous à conserver un volume de grumes de sciage pour les scieries. La marge est moins intéressante, mais cela régule la trésorerie. EA : Le marché du bois est plus difficile aujourd’hui qu’hier ? C.H. : C’est un fait. Tout est plus compliqué. Par ailleurs, il y a beaucoup à dire quant à la gestion de nos forêts. On fait des éclaircies dans des bois trop jeunes. On plante mal. Bref, on utilise moins bien qu’hier le potentiel dont on dispose. Et puis, la mondialisation n’a aucunement facilité les choses, la crise de 2008 non plus d’ailleurs. Le prix du bois a fortement augmenté. Seuls les plus solides ont pu supporter les fluctuations. EA : Les plus solides ou ceux qui avaient anticipé les choses…C.H. : Ce sont souvent les mêmes. Nous, c’est notre ancrage familial qui nous a aidés. Et puis, il y a longtemps que nous réfléchissions et amorcions les évolutions en termes de produits et de processus industriel. Nous avons créé « Nous sommes producteurs de bois ronds, avec une palette d’au moins cinquante produits différents que nous distribuons aux quatre coins du monde… » nos propres niches et bâti notre outil nous-mêmes pour qu’il réponde totalement à nos besoins. EA : Vous parliez de niches. Vous vendez aussi désormais des produits finis pour le consommateur lambda ? L.V. : Oui, cela fait plusieurs années qu’on y songeait. Produisant pour un tas de clients, nous savions qu’il y avait des marchés sur lesquels se positionner, notamment dans le bois transformé. Nous avions la ressource, l’outillage, la connaissance du matériau et la maind’œuvre qualifiée. De là ont commencé à germer des projets, un tas de projets. EA : Farfelus ou bien réels ? C.H. : Un peu les deux… Dans une vénérable entreprise comme celle-ci, connaissant aussi le caractère fort des patrons, changer de cap ou intégrer de nouveaux produits un peu révolutionnaires par rapport à ce qui s’est toujours fait n’était pas forcément facile. Il a fallu convaincre les patrons eux-mêmes avant les clients ! EA : Ces chalets que vous produisez sont pourtant une belle image pour l’entreprise…C.H. : Tout le monde est aujourd’hui d’accord là-dessus, mais l’amorçage des choses ne se fait pas en un jour. Nos clients ont par exemple beaucoup de peine à obtenir leur permis d’urbanisme pour ce type de réalisation, ce qui est quand même un non-sens pour un produit typiquement ardennais. EA : Peut-être parce que c’est un nouveau métier ? C.H. : Sans doute, même si fondamentalement on est encore et toujours dans le bois. Pareil d’ailleurs pour l’ensemble de la gamme de mobilier urbain et domestique que nous distribuons maintenant. |