ESPACE ENTREPRISES I ITINÉRAIRE 30 - Entreprendre aujourd’hui N°170 - septembre 2015, Huet Bois exploite l’essence de l’arbre depuis près de septante ans… Désormais, la PME ardennaise lorgne de Au sortir de l’offensive von Rundstedt, en’45, le nord de la province de Luxembourg n’est plus que ruines et cendres. Il faut tout reconstruire, y compris la vie. Manhay est alors une petite bourgade comme il en est des dizaines, où les opportunités de s’en sortir sont peu nombreuses. Le climat est rude, les conditions difficiles. Chacun gère donc son avenir comme il peut. Les uns deviennent salariés ou fonctionnaires, les autres vivent du commerce ou de la terre. Mais l’Ardenne est aussi terre de bois. Les forêts sont partout. Certes, la guerre a laissé des traces, beaucoup de massifs boisés sont détruits, mais il y a là une ressource, voire au moins un potentiel. D’autant que l’industrie est très demandeuse, surtout l’exploitation minière. Georges Huet est jeune, courageux et volontaire, il décide d’y tenter sa chance… L’exploitation forestière, faut-il le dire, consiste à acheter du bois sur pied pour le livrer coupé, sinon transformé, à un client. Le métier est éprouvant, tout se fait encore à l’époque quasi sans machines. On coupe à la cognée. On débarde avec des chevaux. On scie avec du matériel d’un autre âge. Les journées sont longues et harassantes. Mais la demande ne fléchit pas. Et le client paie. Il a besoin de bois, toujours plus de bois. Petit à petit, il devient aussi exigeant. Et multiplie les demandes en tous genres. Les professionnels, comme Georges Huet, comprennent qu’il faut désormais mieux valoriser la ressource... À côté du bois rond, vendu en grandes longueurs, une série d’autres produits apparaissent donc avec le temps, comme les piquets, les pieux de soutien, les étançons de toutes sortes, le bois de mines et toujours les grumes de sciage… La palette des spécialités s’élargit. Les commandes affluent. L’entreprise grandit. Elle comptera jusqu’à une soixantaine de salariés, début des années’70. Malheureusement, ces années septante alterneront le chaud et le froid. Les premiers soubresauts économiques vont se faire sentir. Le prix du bois va parfois grimper, parfois chuter. Et puis, en 1978, Georges Huet décède inopinément. Le drame ! Il laisse quinze enfants orphelins, dont certains très jeunes, au-delà d’une entreprise elle-même bien fragile sans son patron. C’est Christian, l’aîné, qui prend alors ses responsabilités. Pas simple, il a 26 ans. Mais il faut réagir. Ce qu’il fait, bientôt rejoint par d’autres membres de la fratrie (en 2015, ils sont encore Christian Huet, le patron, investi corps et âme dans l’outil familial... 6 frères et sœur dans l’entreprise, dont quatre sont toujours actionnaires et administrateurs). Ensemble, ils vont donc se battre pour pérenniser l’outil ! Il y a des décisions à prendre, des choix à poser. Ils modernisent ce qui doit l’être, automatisent certains process, trouvent de nouveaux débouchés. Bref, ils font tourner la boutique. L’industrie belge est moins demandeuse. Qu’à cela ne tienne, on augmentera l’activité à l’export. Les prix chutent. On va se spécialiser dans des produits à plus grande valeur ajoutée. Avec le temps, l’entreprise va aussi davantage transformer la ressource pour toucher de nouvelles niches, satisfaire de nouvelles clientèles. Jamais, en tout cas, on ne choisira la facilité. Et l’outil restera familial. À tel point que les générations qui suivent vont elles-mêmes également intégrer l’outil si bien qu’on retrouve maintenant des Huet ou leurs descendants un peu partout. Aujourd’hui, l’entreprise est devenue société anonyme, emploie une trentaine de salariés et fait vivre pas mal de sous-traitants. Surtout, elle « usine » chaque année plus de 75.000 m³ de bois, dont près d’un tiers en produits semi-finis et finis. Pas mal pour une PME familiale qui avoue exporter entre 50 et 60% de son chiffre d’affaires à destination d’une dizaine de pays européens et de quelques contrées du continent africain. Nous avons rencontré Christian Huet, l’administrateur délégué, et Loïc Vinckenbosch, le responsable financier, en plein cœur du petit village de Manhay, sur un site où le bois est une passion autant qu’une raison de vivre… -41 1.1m ad |