ENDEMIX n°16 septembre - novembre 2016 Portrait p.18 spécial danse Régine ChopinotPar Claire Thiebaut « Se laisser travailler par d’autres cultures » Depuis Toulon, où elle vit et travaille, Régine Chopinot a accepté de répondre aux questions d’Endemix avec diligence et humour. Cette artiste renommée, danseuse et chorégraphe française depuis la fin des années 1970, a réussi en 2012 le pari d’une fusion entre le traditionnel et le contemporain, kanak et européen, entre « le tutu et le pandanus » en touchant le cœur de la plus grande troupe locale, le Wetr de Lifou. En octobre prochain, elle revient avec un nouveau spectacle tout en mélange et rencontres artistiques, Pacifikmeltingpot, diffusé du 28 au 30 octobre au centre culturel Tjibaou. Pour en savoir plus sur Régine Chopinot, cette grande dame qui court sur les parquets de danse depuis près de quarante ans et dont on ne dit que du bien en Nouvelle-Calédonie, il fallait trouver les questions à la hauteur de cette interviewée qui a dû en voir défiler des journalistes ! Mais quand Régine Chopinot résume sa personnalité à « Dragonne d’eau, au « gros » caractère, aimantée par ce qui est insaisissable », on comprend que la danseuse sait très bien se raconter et qu’elle a aussi beaucoup d’humour. Les prémices de son univers artistique remontent à Alger, sur les bords de la Méditerranée, « avec ma grand-mère Paule qui m’a appris à voir, à écouter, à observer l’horizon, tous les soirs comme un rituel ». Une sensibilité et une attention déjà portée à ce (ceux) qui l’entoure(nt). Après Alger, Lyon où elle crée sa première compagnie avec quelques amis danseurs, comédiens, mimes et musiciens. Puis vient Paris « où tous les rêves semblaient réalisables », mais c’est finalement à La Rochelle que s’installe en 1986 Régine Chopinot pour prendre la tête du centre chorégraphique national pour ses vingt-deux prochaines années. La corne copieuse de Régine À partir de 2009, danseuse chorégraphe et administratrice parfaitement aguerrie, Régine créé Cornucopiae, plus indépendante, mais pas plus solitaire. « Une nouvelle structure, moins institutionnelle, qui me permet d’appréhender la décroissance avec lucidité etn.d.mww*"" enthousiasme, continuer à partager et à créer. » Jolie formule pour cette femme d’âge mûr resplendissante. Régine continue donc de s’entourer en élargissant un peu son rayon d’actions vers la Chine et le Vietnam, le Brésil et surtout le Pacifique Sud. La première rencontre « sans objectif au demeurant » avec Umuissi Hnamano, leader historique de la troupe de danse du Wetr de Lifou, en 2009 inaugure une belle histoire d’amitié. « C’est certes l’intuition artistique qui parle mais aussi, après trente années de création en danse, la nécessité́ de continuer à approfondir ma recherche du corps en mouvement dans des contextes culturels autres que celui dont je suis issue, le contexte culturel européen. Ce besoin clair de me confronter à ce que je ne connais pas encore », décrit-elle dans une note d’intention rédigée en 2010 pour le projet de résidence In Situ à Drehu. De ce travail naîtra en 2012 le spectacle Very Wetr ! présenté au festival d’Avignon, aboutissement presque symbolique en cette année dédiée au dragon d’eau ! Pacifikmeltingpot Il faut forcément être deux pour construire quelque chose ensemble À partir de son nouvel épicentre calédonien et en rythme avec ses autres travaux, Régine Chopinot entame de nouveaux projets en Nouvelle-Zélande et au Japon. « En réalité, Meltingpot est un ancien projet initié dans les années 2000 et qui n’avait pas vu le jour. Il est ressorti lors de mes voyages réguliers et indispensables dans le Pacifique Sud. J’ai rajouté le mot Pacifik, parce que nous avons grandement besoin de cette notion en ce moment, avec un K, comme un salut implicite à mes amis Kanak de Lifou. » La première résidence en Nouvelle- Calédonie en 2010, dont est sortie l’esquisse chorégraphique Eke Eny, Les 4 vents, est suivie par la série d’autres travaux In situ, en 2011 à Yokohama au Japon et à Wellington en Nouvelle- Zélande. En 2012, tous les danseurs du projet se retrouvent à Auckland pour tresser ensemble la trame de Pacifikmeltingpot, dont la finalisation a eu lieu en septembre 2015 au Japon. L’humanité silencieuse Pour ce spectacle international, qui met en contact des danseurs maoris, samoans, des îles Cook, kanak et japonais, nul besoin d’être polyglotte. La danse s’est imposée comme langage commun. « Les danseurs, y compris contemporains, transmettent leurs connaissances et leurs oeuvres chorégraphiques selon la tradition orale. Ils se servent du toucher, des sensations, des émotions, de l’imaginaire, du mimétisme, de l’énergie, de la qualité de la voix et du corps en mouvement. C’est le langage du sensible ! », explique Régine. Pacifikmeltingpot réussit |