p. 28 ENDEMIX n°14 mars - mai 2016 Critiques musique musique locale Goon Kat) Cada Quelques oiseaux a cappella acoustique d’Angelo Fisdiepas, l’un sur le souffle continu de la des trois compositeurs. rivière, et puis soudain le Le superbe « Jour des grands » rythme entêtant des bwanjep aborde le fléau social et familial que qui monte et annonce le début des peut devenir l’alcool, et intègre à réjouissances… Ainsi Cada rompt un la fin de la chanson une séquence « silence studio » de plus de cinq ans, d’échanges pris sur le vif, entre un avec « Jakhule’lu », premier morceau mari de retour bien trop tard à la de l’album Goon Kat – le zénith en maison et sa femme, belle façon de langue fwai du littoral de Hienghène. laisser le « réel » faire irruption Si les percussions traditionnelles dans la chanson. Les textes, chantés s’intègrent toujours à la trame en fwai et en français par Jeanrythmique du groupe, elles se font Mathias avec une sorte d’aisance plus discrètes que dans les trois souriante caractéristique, racontent opus précédents : les instruments les histoires des environs de électriques prennent le pas. Mais il Wââjik, abordent des questions y a bientôt vingt ans que le groupe d’ordre environnemental, ou parfois se connaît, et une telle complicité plus moral (tel le très intéressant Cada, Goon Kat, éd. Studio Mangrove, 2015 contribue à l’excellente maîtrise « Politiquement correct »). Le phrasé instrumentale de l’ensemble. de l’aîné des trois frères Djaiwé Le kaneka de Cada, alerte et adepte des changements de dans le groupe est toujours incisif, escorté par des chœurs tempo, joue parfois avec les références au zouk et au reggae dynamiques où la parité est respectée. L’album se conclut par (le jubilatoire « Pilapin ») , et parfois évoque certaines sonorités l’étourdissant « Hwan Yaat Pe Nei o’n », ballade où le fwai et le de nos voisins Ni-Vanuatu (ainsi de « Pe Hina Nei », dont français se mêlent pour un message d’espoir. les claviers « flûtés » rappellent un peu le groupe Islands). Dans la chanson « Le Temps » tirée du précédent album, Cada À propos de claviers, Yoan et YannBoanou ont « apprivoisé la nous avait prévenus : « Du temps pour travailler, je n’en ai bête » et en usent avec sobriété, renforçant des mélodies jamais jamais assez ». Si c’est pour nous proposer des albums d’une écrasées par les rythmes. La section cordes n’est pas en reste, telle facture, nul doute que les fans du groupe sauront rester avec le ukulélé de Ritchi Boanou en arrière-plan ou la guitare patients ! Source de vie) Popai par Sylvain Derne En langue paicî, le mot « popaï » désigne la parole. C'est aussi le nom d'un groupe de la tribu de Goa à Ponérihouen, porté par la dynamique de générations successives de jeunes musiciens, épaulés par les anciens. On lui doit depuis vingt ans quelques cassettes et albums (sa version du célébrissime « tube traditionnel » « Mademoiselle » fut un beau succès !). Avec Source de vie, le résultat n'est pas toujours convaincant. Les morceaux s'étirent en longueurs (sept sur douze dépassent les cinq minutes) qui finissent par devenir éprouvantes… Excepté sur « Pilou Vibration » ou « Pô Kärä napô » dont la base rythmique et les chœurs masculins produisent un effet hypnotique chez l'auditeur. De manière plus générale, le chant est approximatif et les motifs au clavier peinent à se renouveler. Une belle ballade, hommage à la mémoire de Tein-Lor, clôt cependant l'album sur une note émouvante. On peut également souligner le bel effort graphique de la pochette de l'album, et les explications qui accompagnent la démarche des musiciens. Mais Source de vie aurait sans doute gagné à bénéficier d'une direction artistique pour plus de cohérence. Popaï, Source de vie, éd. Studio Alizé, 2015 |