Éloigner les indésirables constitue un réflexe ancien que la plupart des sociétés ont pratiqué. Mais l’essor des empires coloniaux y associa deux idées neuves : œuvrer à la mise en valeur des nouveaux territoires et tenter de régénérer les criminels. Les bagnes coloniaux furent ainsi érigés en pénalité moderne et rationnelle. La France n’a pas manqué à la règle. Dès l’Ancien Régime, on déporte dans les possessions d’Amérique mendiants, prostituées et « gens sans aveu ». La Révolution Française fait transporter en Guyane des opposants et des prêtres réfractaires. Mais c’est avec la reprise de l’expansion coloniale au XIX e siècle que le mouvement prend toute sa dimension, d’autant qu’on prend alors conscience de 12 BILIPO – Paris 5 e Les bagnes coloniaux l’incapacité de la prison à amender les détenus. En 1830, on transporte en Algérie des milliers de condamnés militaires, aux sources de ce qui sera bientôt Biribi. À compter de 1848, on y déporte les insurgés et les opposants politiques. En 1852, on commence à vider les bagnes métropolitains à destination de la Guyane et de la Nouvelle Calédonie. La République accentue le mouvement, peuplant tout l’Empire, de la Tunisie au Tonkin, de Madagascar aux Saintes et à l’île du Diable, d’effroyables camps de relégation où des centaines de milliers de condamnés firent l’expérience du travail contraint. À compter des grandes campagnes de presse du premier XX e siècle, ces espaces de non-droit furent peu à peu démantelés, mais seule la décolonisation aura raison de ses vestiges, signalant ainsi le lien intrinsèque liant le bagne et l’expérience coloniale. Les bagnes coloniaux ont d’emblée suscité Exposition une floraison de récits, d’images, de témoignages, de films ou de reportages, dans lesquels se lit aussi une part de « l’aventure » coloniale. Adossée aux collections de la Bibliothèque des littératures policières (BILIPO) ainsi qu’à de nombreuses pièces venues d’autres établissements ou de collectionneurs, l’exposition nous entraîne au cœur d’un imaginaire à la fois coloré et tourmenté, mais qui dit aussi la violence et la honte attachées à cette page sombre de notre histoire. Commissaires de l’exposition : Dominique Kalifa, historien, et Jérôme Pierrat, journaliste Production : Paris bibliothèques Scénographie : Anne Gratadour Graphisme : Marine Le Breton Jusqu’au 26 février Du mardi au vendredi de 14h à 18h, samedi de 10h à 17h Entrée libre Le parcours de l’exposition•Le bagne avant le bagne : premières expériences•L’Algérie, terre de bagne : condamnés militaires et déportés politiques•Transportés, déportés, relégués… : l’expansion coloniale et son besoin de main-d’œuvre•La « guillotine sèche » : la Guyane, terre de grande punition•À Biribi : camps disciplinaires et pénitentiaires de l’armée française en Afrique du nord•La lente agonie des bagnes coloniaux : des voix s’élèvent pour contester leur horreur |