8 SUCCESS STORIES En un peu plus de vingt ans, Ubisoft a su tirer parti de l’incroyable dynamisme du marché des jeux vidéo pour occuper aujourd’hui la place de troisième éditeur mondial. Créée par cinq frères dans des conditions qui relevaient de l’artisanat, l’entreprise emploie désormais près de 4500 collaborateurs dans quatorze pays. Comme beaucoup d’exemples de réussites commerciales, l’aventure d’Ubisoft a débuté par une intuition. Au début des années 1980, Michel Guillemot réalise que les jeux vidéo, dont le marché n’est encore qu’à ses balbutiements, sont distribués en France à un prix deux à trois fois supérieur à celui pratiqué en Angleterre. Flairant l’opportunité, il se renseigne sur la possibilité d’exporter des jeux via l’entreprise de négoce que dirigent ses parents. Puis, pour sonder les attentes du public français, il passe une page de publicité dans un magazine spécialisé. Le retour est immédiat et témoigne d’une demande forte et très ciblée. Il n’en faut pas plus pour convaincre le jeune homme qu’il existe un espace vacant à investir. DE LA VPC AUX PREMIÈRES CRÉATIONS Avec l’aide de ses quatre frères, dont Yves, qui préside aujourd’hui encore à la destinée de l’entreprise, il monte une petite structure de vente par correspondance. Rapidement, les prix que pratiquent les frères Guillemot et leur réactivité pour proposer les dernières sorties Directsoir N°414/Jeudi 2 octobre 2008 Ubisoft Le géant français du jeu vidéo 3 questions à… DR sont remarqués par les magasins. La fratrie passe à l’étape suivante et commence à fournir la grande distribution. Au bout de deux ans, la méthode familiale suscite l’envie et la concurrence s’organise. Pour y faire face, l’entreprise Ubisoft (qui s’écrit à l’époque « Ubi Soft ») est créée en 1986, avec Yves à sa tête. A l’époque, elle a pour unique vocation de fabriquer des versions françaises des jeux et de représenter dans l’Hexagone des éditeurs étrangers. Mais très rapidement, l’entreprise se lance dans le développement de ses propres titres. La première production interne signée Ubisoft est Zombie, une adaptation du film culte de George A. Romero. Suivront plusieurs titres d’aventures, qui connaîtront un succès notable. Pendant plusieurs années, Ubisoft continue sur ce modèle, tirant ses revenus de la distribution et du développement de jeux. Des revenus suffisants pour pouvoir ouvrir en 1992 et 1993 ses premiers studios de développement, en région parisienne et en Roumanie. LE DÉCLIC RAYMAN Dix ans après son décollage, l’entreprise est mise sur orbite grâce à un jeu. En 1995, Dans les locaux d’Ubisoft à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). le monde des jeux vidéo découvre le personnage de Rayman, développé pendant deux ans dans le studio de Montreuil. A l’instar du Mario de Nintendo ou du Sonic de Sega, ce héros sans bras ni jambe s’impose comme emblème de la société. Sorti en même temps que la console PlayStation, qui va connaître un succès rapide et important, Rayman est, pendant plusieurs semaines, le seul jeu de plateforme disponible sur ce support. Le titre se place directement dans les cinq meilleures ventes de jeux sur la machine de Sony. Avec ce petit personnage espiègle, Ubisoft réussit un pari. Les Yves Guillemot - président et fondateur d’Ubisoft Quels sont vos objectifs de développement ? Nous avons une structure où nous avons déjà installé des marques. Nous avons à peu près 14 marques multimillionnaires qui sont des piliers de croissance. Notre objectif est de continuer à faire croître ces marques-là et d’en créer d’autres régulièrement, deux par an. Cela nous permet d’entrer dans de nouveaux segments du marché et d’avoir une base plus large de couverture du marché. De nouveaux jeux, et de nouveaux publics ? Oui. C’est un élément qui est arrivé avec les nouvelles consoles Nintendo, la DS et la Wii, qui nous ont permis de toucher une clientèle totalement nouvelle. Cela nous permet de croître sur un nouveau segment : les jeunes filles de 8 à 12 ans et les adultes. Investissez-vous aussi dans le cinéma ? Notre métier, le jeu vidéo, grandit ; 14 C’est le nombre de franchises d’Ubisoft qui se sont écoulées à plus d’un million d’exemplaires. dix millions investis sont rapidement rentabilisés et, en termes d’image de marque, l’entreprise fait un pas de géant, qui la mène à la Bourse en 1996. Cette capitalisation lui permet de continuer son expansion. Elle poursuit sa politique de création avec de nouvelles ouvertures successives en Chine, à Montréal, au Maroc, en Espagne et en Italie. Parallèlement, elle assure aussi sa croissance en rachetant des éditeurs dont le catalogue comprend des séries notoires. C’est notamment le cas du studio américain Red Storm, qui s’est fait connaître en signant le jeu Rainbow Six, un petit peu comme le cinéma a grandi et a permis d’avoir des produits dérivés. On est exactement le cinéma de l’époque. Comme la consommation est importante auprès de la génération qui joue, on peut envisager de faire des produits dérivés : des séries TV, des séries web, des films et des livres basés sur les jeux que nous créons. Il y a donc un potentiel que nous développons. Par exemple, nous sommes en train de mettre en place un studio de création de films 3D, à Montréal. |