6 EN COUVERTURE J’ai toujours eu l’impression qu’elle faisait partie de ma vie », avoue Diane Kurys, réalisatrice du portrait très attendu de Françoise Sagan, en salles aujourd’hui. Et pour incarner le « charmant petit monstre », figure insolente de la littérature du XX e siècle, elle a choisi Sylvie Testud qui impose son talent, tant elle est, particulièrement sur les scènes de fin de vie, troublante de ressemblance et de justesse. Le reste du casting, au demeurant, est d’une grande qualité. Pierre Palmade incarne Jacques Chazot, son ami de toujours, Denis Podalydès, l’éditeur macho Guy Schoeller, premier mari de Sagan, et Jeanne Balibar est Peggy Roche, son grand amour, avec qui elle a passé quinze ans de sa vie. « Plus urgent de vivre que de compter » Le film s’ouvre sur une Sagan seule, malade, dans sa maison en Normandie. Comme pour expliquer, déjà, que la vie passionnée de la romancière, flambeuse et jouisseuse, basculera. De scènes en scènes, on (re) découvre l’immense liberté de Sagan, de Bonjour tristesse, publiée à 19 ans (best-seller vendu à 4 millions et demi d’exemplaires en cinq ans), jusqu’à son isolement et sa mort. On connaissait cette philosophie de vie excessive, conséquence d’une peur de l’ennui étouffante. On découvre ici à quel point l’écrivain se mettait en danger, chaque jour de sa vie, flirtant avec la mort et les ennuis. Y passent ses rapports avec l’argent (« Il est plus urgent de vivre que de compter », ditelle), sa consommation excessive de drogues, son goût invétéré pour le whisky, EN SALLES VIE D’UN « CHARMANT PETIT MONSTRE » Diane Kurys raconte la vie de Françoise Sagan, grande romancière talentueuse et turbulente dans un « biopic » réaliste. le jeu, les beaux bolides. Il y a tant de scènes de vie, grandes joies et tragédies qu’on finit même par s’y perdre un peu. Diane Kurys n’a pas voulu choisir : ce foisonnement, qui manque de liens et de chronologies, a le défaut de perdre le spectateur. On regrette aussi de ne pas mieux saisir le processus de création de l’écrivain qui se limite à quelques passages sur son manque d’inspiration, ou encore à sa rencontre avec l’éditrice Françoise Verny, qui l’accueillit chez Gallimard. Heureusement, les répliques de Sagan restent le délice de ce film très pédagogique. On y décèle les interrogations, beaucoup moins futiles qu’il n’y paraît, d’un écrivain qui ne s’assume pas, et qui admet n’être pas grand-chose face à Proust, par exemple, son auteur préféré. On apprécie également son sens de la repartie, de la formule. Il est à son image, farceur, empreint d’une douce désinvolture et surtout plein de finesse, comme dans cette épitaphe qu’elle inventa un jour : « Sa disparition, après une vie et une œuvre également bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. » Sagan, de Diane Kurys, en salles. LE PREMIER FILM DE DIANE KURYS, DIABOLO MENTHE, RÉALISÉ EN 1977, A MARQUÉ SON ÉPOQUE ET A REMPORTÉ LE PRIX LOUIS-DELLUC. La littérature à l’écran GEORGE SAND ■ Avant de ressusciter Sagan à l’écran, Diane Kurys s’était déjà intéressée à une autre femme de lettres. Dans Les enfants du siècle, sorti en salles en 1999, la réalisatrice confie à Juliette Binoche le rôle de George Sand. Mais au-delà d’un simple portrait d’une féministe avant l’heure, ce film relate sa relation tumultueuse avec Alfred de Musset (Benoît Magimel). Directsoir N°366/Mercredi 11 juin 2008 Sylvie Testud campe avec justesse Françoise Sagan, de ses 19 ans à sa mort. COLETTE ■ Autre téléfilm consacré à un auteur emblématique de la littérature française, Colette, une femme libre, de Nadine Trintignant, dans lequel est retracé le parcours littéraire et amoureux de Sidonie Gabrielle Colette, de 1893 au début de la Première Guerre mondiale. Pour interpréter cette femme de lettres, la réalisatrice choisit sa fille, Marie. Ce téléfilm en deux parties a été diffusé en 2004. |