I 10 LA SAGA DE L’ÉCONOMIE Pâté Hénaff Une recette centenaire Familial et breton, mais surtout 100% cochon : la famille Hénaff a imposé son pâté de porc dans nos rayons sans jamais en modifier la recette. Le leader français du pâté en conserve a fêté l’an dernier ses cent ans, et continue à développer son activité, avec le lancement de saucisses fraîches. l existe en pays bigouden une petite famille qui résiste à la mondialisation. Face aux grands groupes industriels mondialisés, la famille Hénaff poursuit son chemin, emprunté par l’agriculteur Jean Hénaff en 1907, qui construisit une conserverie de légumes dans sa commune de Pouldreuzic. Mais l’inconvénient du légume, qui à l’époque ne se congelait pas, était sa saisonnalité. Pour occuper ses 35 millions de boîtes de pâté Hénaff sortent des usines chaque année. employés durant les périodes d’inactivité, Jean Hénaff décide de fabriquer un pâté de porc. La recette, qui n’a pas évolué depuis, étonne à l’époque : elle utilise toutes les parties du porc, même les plus nobles, habituellement réservées aux mets du dimanche, donnant ainsi au pâté un goût relevé par la viande et pas seulement par ses épices. LE PÂTÉ DU MATAF En pays breton, le succès est immédiat. Le pâté Hénaff devient le « pâté du mataf » (de matelot). Sur le coin d’une tartine après Interview du PDG BETERMIN/ANDIA la pêche du matin, il devient le casse-croûte des thoniers, ravis de pouvoir manger autre chose que du poisson après plusieurs semaines de pêche. Entre les deux guerres, l’entreprise se diversifie et produit des conserves de poissons. Jean Hénaff, chef d’entreprise reconnu et apprécié, a réussi son pari : redynamiser l’emploi dans sa petite commune bigoudène. En 1935, il se retire au profit de ses trois fils. Mais la guerre vient rompre le cycle de croissance d’Hénaff, qui interrompt son activité, au grand regret de Jean Hénaff. Celui-ci décède en 1942. Reconstruction, rationnement : la viande n’est pas vraiment le premier aliment au sortir de la guerre. Il faudra attendre 1949 pour que l’activité se relance. « AVEC TOUS LES MORCEAUX DU PORC » Le pâté breton a ses fidèles et rapidement, la boîte jaune et bleue se retrouve sur les étals de toutes les supérettes françaises. La diaspora bretonne y est forcément pour quelque chose, car la moitié des acheteurs du pâté serait de près ou de loin liée à la Bretagne. Le pâté permettrait de lutter contre le mal du pays. Directsoir N°326/Mercredi 2 avril 2008 La recette du pâté Hénaff utilise toutes les parties du porc, les « nobles » comprises. Jean-Jacques Hénaff – président directeur général de Hénaff Qu’est-ce qui fait la spécificité du pâté Hénaff ? Le pâté Hénaff n’a jamais été un produit comme les autres. C’est un produit très attaché à sa région, et il a fallu beaucoup de persévérance à mon grand-père puis à mon père et mes oncles pour parvenir à l’imposer à l’échelon national. Le pâté est-il un produit « tendance » ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, Les années 1970 constituent une période charnière pour l’entreprise. Sa modernisation est entamée depuis 1965 grâce à l’intervention artistique de Raymond Loewy, le grand designer de marques de l’époque à qui l’on doit les logos de Lu, Belin, Maille, Nestlé ou Poulain. Il dessine pour Hénaff le dessus des boîtes de conserve, en y apposant un petit cochon rose sur fond blanc, et un slogan, « avec tous les morceaux du porc, y compris les jambons ». D’ailleurs, la marque bretonne décide de concentrer ses activités sur la production du pâté de porc, délaissant les conserves de légumes. Puis c’est l’arrivée aux commandes de Jean-Jacques Hénaff, petit-fils du fondateur, qui bouleverse l’activité. Le jeune PDG de 34 ans, sorti d’une grande école de commerce, va moderniser la production nos consommateurs viennent de tous les horizons. Nos études montrent que le pâté est très populaire chez les jeunes, qui le découvrent étant scouts, étudiants, en faisant du camping ou du ski. Mais c’est aussi un produit du terroir : notre force de vente, ce sont les Bretons installés un peu partout en France et sa qualité. Sinon nous ne l’exporterions pas dans une cinquantaine de pays. et surtout améliorer la communication du groupe. En choisissant la télé, Jean- Jacques Hénaff fait un choix osé pour une PME. Surtout qu’il insiste sur l’attachement de la marque à la région, avec le slogan « Hénaff, les bons produits bretons ». LE PORC S’EXPORTE Il étend la distribution de la marque non seulement sur le territoire national, mais aussi à l’étranger. Il cible en premier lieu le marché britannique. La boîte jaune est ensuite distribuée en Australie, puis en Afrique et en Asie (1983), avant d’être présente sur les cinq continents aux abords des années 1990. Actuellement, 10% du chiffre d’affaires d’Hénaff est réalisé à l’étranger ; c’est une bonne performance pour une PME familiale et régionale. Comment garantissez-vous la qualité du pâté ? Nous avons des relations très étroites avec les éleveurs porcins. Il y a une trentaine d’années, la mode était au bricolage génétique. Nous avons toujours voulu savoir avec quoi étaient nourries les bêtes que nous achetons. Enfin, nous avons notre propre abattoir. Chacune des carcasses est garantie par un label qualité. DR |