Directsoir N°322/Jeudi 27 mars 2008 8 ÉCONOMIE Petit Navire Il était un petit pêcheur… Comment un banquier breton réussit-il en quelques années à devenir un leader de la pêche et de la conserve de poissons ? Créée en 1932, la marque Petit Navire est aujourd’hui une référence pour tous les amateurs de sardine, de maquereau ou de thon. Beaucoup d’audace, une gestion rigoureuse, des innovations techniques et une communication ingénieuse ont permis à la marque bretonne de traverser les époques et les océans. AVEC PRÈS DE 30% DE PARTS DE MARCHÉ DANS LA CONSERVERIE DE POISSONS, LA MARQUE PETIT NAVIRE OCCUPE UNE PLACE INCONTESTÉE DEPUIS PLUSIEURS DÉCENNIES DANS LE SEC- TEUR DE LA TRANSFORMATION DES PRODUITS DE LA MER. A l’origine de ce succès : Paul-Edouard Paulet, bouillonnant directeur du Crédit Nantais de Douarnenez. UN ENTREPRENEUR Pour ce père de famille, le métier de banquier dans la Bretagne des années 1930 manque de défis. Aussi, quand l’occasion de se reconvertir se présente, Paul-Edouard Paulet saisit sa chance et se lance. L’usine H. Parmentier, au bord de la cessation de paiement, est l’occasion pour la famille de se lancer dans une nouvelle aventure. Une fois la conserverie de poisson rachetée, Paul-Edouard Paulet commence par un geste symbolique et riche de sens : il donne un DR Interview de la SPÉCIALISTE DR Pour la première fois, Petit Navire propose aux consommateurs une production régulière et constante nouveau nom à l’affaire, « Petit Navire ». Avec cette nouvelle dénomination, l’identité de la marque est claire. Elle est orientée du côté de la mer et permettra par la suite une stratégie marketing efficace. Le slogan « Le bon goût du large », qui accompagne le dessin d’un bateau de pêche, restera dans les mémoires. C’est Marguerite Paulet, l’épouse du banquier, qui a dessiné le logo de la marque pour la première fois. Soixante-dix ans plus tard, épurée et stylisée, la silhouette du petit bateau de pêche qu’elle a imaginée s’impose toujours. RAPPROCHER LES PORTS ET PRODUIRE CONSTAMMENT Par intuition, Paul-Edouard Paulet apporte un premier changement, consistant à assurer toute l’année une production jusque-là saisonnière. En avance sur son temps, il compense l’absence de chambres froides, qui seules peuvent permettre la conservation du poisson, en rapprochant les usines de transformation de poisson des ports de pêches. Cette proximité est la condition sine qua non pour offrir les produits les plus frais. Il ouvre deux usines en 1936, l’une à l’île d’Yeu, l’autre proche du port de Saint-Jean-de-Luz. Pour éviter que ses poissons fermentent, il invente la « bassine à frire », autrement dit la friture prête à l’emploi pour cuire les sardines. Le pari est gagné : la production est constante toute l’année. Paul-Edouard Paulet peut, pour la première fois, présenter aux consommateurs des poissons en boîte sans tenir compte des saisons. La concurrence ne peut que s’aligner et copier ces méthodes révolutionnaires. Le chiffre d’affaires de l’entreprise passe d’un million de francs en 1932 à quatorze millions en 1938. UN MANAGEMENT INNOVANT L’ancien banquier se révèle un véritable précurseur avec l’élaboration, dès 1935, d’une charte encore en vigueur actuellement. Il s’avère aussi visionnaire en termes de gestion des ressources humaines. Il décide de faire participer ses salariés aux bénéfices de l’entreprise. En 1938, les hommes ont la surprise de recevoir une enveloppe : jamais encore ils n’avaient reçu d’argent en rapport avec les Sabine Zanella – Directrice marketing Petit Navire COMMENT SE PORTE LE MARCHÉ DE LA CONSERVERIE DE POISSON ? C’est un marché qui se porte bien. Nous observons qu’il a été plus faible sur les douze derniers mois. La progression de nos ventes est restée limitée à 1% seulement. La raison est une question de saison. Le marché a beaucoup souffert de l’absence d’été. Les produits se sont mal vendus. Mais les tendances alimentaires vont dans le bon sens. Le poisson est un produit naturel que recherchent de plus en plus de consommateurs. La conserve est très pratique, les consommateurs le savent et c’est un marché qui est amené à se développer. La silhouette du bateau de pêche qui accompagne la marque est présente depuis les débuts de l’entreprise. VOTRE ENTREPRISE EST-ELLE TOUCHÉE PAR LA BAISSE DES STOCKS DE POISSONS DANS LES OCÉANS ? Nous sommes bien évidemment touchés par la baisse des populations de poissons due à des facteurs multiples, et la société est depuis de nombreuses années sensibilisée à la protection de l’environnement. Nous avons adhéré à la Convention internationale sur le droit de la mer, dont la grande règle est de ne pas pêcher pendant les périodes de reproduction. Il faut bien évidemment gérer les populations de poissons de haute mer résultats de l’entreprise. L’année suivante, ce sera au tour des femmes de toucher la « participation » instaurée par leur patron avant-gardiste. Sous cette conduite moderne, la production augmente d’année en année et les ventes s’envolent. Pourtant, en 1942, un drame secoue la famille et toute la région : Paul-Edouard Paulet meurt, ainsi que les 7 000 passagers d’un cargo torpillé par la Royal Navy. Il laisse sept jeunes enfants. Tous les espoirs se portent alors sur Jean, l’aîné, qui a 17ans. En attendant que le jeune héritier soit formé pour reprendre les rênes de l’entreprise, son neveu Jacques Chauvin veille à la bonne marche de l’entreprise jusqu’à la fin de la guerre. PETIT NAVIRE DEVIENT GRAND Quand deux des enfants Paulet, Jean et Yves, se retrouvent à la tête de la conserverie, leur premier travail consiste à moderniser le site de Douarnenez et à investir dans une nouvelle usine. Cette modernisation, à la pointe de la technologie pour la transformation des poissons, sera suivie par le renouvellement de leur flotte de bateaux. mais nous accentuons aussi nos efforts sur la gestion de nos stocks. SELON VOUS, QUEL EST LE SENTIMENT DES FRANÇAIS POUR LA MARQUE PETIT NAVIRE ? Petit Navire est une marque ancrée dans la tradition. Pour les consommateurs, c’est l’image de produits sains et frais. C’est aussi le spécialiste du poisson en conserve. L’image de la marque est bonne, et l’est restée grâce à nos différents outils de communication. DR |