Directsoir N°286/Mardi 29 janvier 2008 8 EN COUVERTURE Rachida Dati en campagne dans le 7 e arrondissement de Paris, accompagnée par Philippe Goujon, Martine Aurillac et le maire, Michel Dumont. J’ai une obligation de réussite, c’est le respect que je dois aux Français. INTERVIEW TROIS ÉTAPES… « Mettre en place une justice adaptée aux mutations de la société et aux besoins des justiciables » Direct soir : 2008 est annoncée comme l’année de la simplification des procédures pénales. Quelles seront les mesures phares de ce projet ? Rachida Dati : La remise à plat du code de procédure pénale à laquelle nous allons procéder s’inscrit dans la continuité des réformes entreprises depuis le mois de mai. L’objectif est de mettre en place une justice adaptée aux mutations de la société et aux besoins des justiciables. Concrètement, il s’agit, par exemple, de faciliter l’accès à la justice ou de redéfinir le périmètre d’intervention du juge. D’ores et déjà, la dématérialisation de certains actes de procédure participe de cette modernisation. Le projet de loi sur la rétention de sûreté sera examiné demain au Sénat. Où en sont vos relations avec les parlementaires ? J’entretiens de très bons rapports avec eux et je souhaite qu’ils puissent bénéficier du maximum de latitude dans leurs travaux et leurs initiatives. A plusieurs occasions, j’ai apporté mon soutien aux propositions de loi qui émanaient de leurs rangs, comme celle déposée par le député Jean-Luc Warsmann, ou le sénateur Jean-Jacques Hyest. L’ASCENSION ■ Née en 1965 en Saône-et-Loire, Rachida Dati fait preuve d’une étonnante ténacité pour gravir l’échelle sociale. Diplômée de droit et d’économie, sa carrière est accélérée grâce à deux mentors décisifs : Albin Chalandon, ancien garde des Sceaux, et Simone Veil qui lui conseille d’entrer à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). C. GUIBBAUD/ABACA La France va présider l’Union européenne au deuxième semestre 2008. Quels seront les principaux dossiers que vous allez porter au chapitre de la justice ? Le projet phare que je veux porter au cours de cette présidence est la création d’un parquet européen et l’extension du pouvoir des magistrats – dans le cadre d’Eurojust (Unité de coopération judiciaire européenne,ndlr). Ceci nous permettra en particulier d’améliorer la lutte contre le terrorisme et la criminalité financière. Mais l’Europe de la justice passe aussi par une harmonisation de la formation des magistrats, par une plus large reconnaissance mutuelle des décisions, ou par l’extension des interconnexions des casiers judiciaires. N’oublions pas enfin que le traité de Lisbonne va considérablement changer la donne puisqu’il va permettre de passer à la majorité qualifiée pour renforcer la coopération en matière pénale. Le tribunal de Créteil a transposé en droit français la peine de huit ans de travaux forcés prononcée à l’encontre des membres de l’Arche de Zoé. Quels commentaires ce jugement vous invite-til à formuler ? J’avais demandé au ministre de la Justice du Tchad que les condamnés puissent revenir en France exécuter leur peine. Sur la décision du tribunal de Créteil, je n’ai naturellement aucun commentaire à faire. En revanche, l’épisode de l’Arche de Zoé démontre combien il est important que les relations soient étroites entre les ministres de la Justice à l’échelle internationale. Certaines conventions bilatérales sont parfois obsolètes et leurs dispositions pourraient être améliorées dans le sens d’une plus grande sécurité juridique. Ainsi, de telles réflexions sont en cours avec mes homologues algérien et indien afin de revoir nos conventions bilatérales d’entraide. Vous êtes en campagne pour les élections municipales dans le 7 e arrondissement de Paris. Que vous apporte cette pratique du terrain ? Je suis heureuse de pouvoir rencontrer tous les jours les habitants du 7e. Ils n’hésitent pas à m’interpeller sur tous les sujets et j’aime ce contact. Mais la pratique du terrain n’est pas nouvelle pour moi. Lorsque j’ai suivi Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle, j’avais déjà eu l’occasion de vivre ces contacts directs. Et ils m’ont été très précieux pour nourrir ma réflexion actuelle sur des sujets et des projets aussi importants que la protection des mineurs, la lutte contre la délinquance, ou le traitement de la toxicomanie. L’ACCÉLÉRATION P.OTHONIEL/JDD/GAMMA/EYEDEA PRESSE ■ Rachida Dati fait son entrée dans la sphère politique en 2002 lorsqu’elle devient conseillère de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. Elle le suivra jusqu’à l’élection présidentielle. En janvier 2007, juste après la nomination de Nicolas Sarkozy comme candidat de l’UMP, elle devient porte-parole de sa campagne au côté de Xavier Bertrand. ANALYSE Jean-Paul Garraud*, magistrat, député UMP de la Gironde « La rétention de sûreté : un outil au service de la justice » ■ « Il faut privilégier toute solution alternative à l’incarcération. Mais le bon sens veut que l’on ne laisse pas en liberté des Heaulme ou des Fourniret. Nous n’avons pas légiféré sous le coup de l’émotion. Le projet est très juridique et prévoit des conditions d’application très précises. Trois commissions successives seront sollicitées avec, à chaque étape, une possibilité de recours. Précisons aussi qu’il s’agit d’un outil mis à la disposition des magistrats, indépendants par définition – et qui peuvent décider ou non de l’utiliser. La rétention de sûreté s’applique de manière comparable aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne, et ces dispositifs n’ont jamais été déclarés contraires à la Convention européenne des droits de l’homme. J’ai rencontré de fortes oppositions au Parlement, face à des gens qui agitent les peurs, mais je sais le président de la République très déterminé sur ce dossier. Il n’y a pas de honte à prendre des mesures de défense sociale contre des prédateurs qui, en l’état, ne sont pas « réinsérables ». En tant que responsable politique, j’ai le devoir de protéger mes concitoyens de cette menace ». *Auteur du rapport « Réponses à la dangerosité » (octobre 2006), qui a inspiré le projet de loi sur la rétention de sûreté. LA CONSÉCRATION ■ Sa nomination comme garde des Sceaux dans le gouvernement Fillon crée l’événement. Jamais une personne issue de l’immigration, une femme de surcroît, ne s’était vue confier un portefeuille régalien. Jouissant d’une grande popularité lors de son arrivée, Place Vendôme, elle a dû, depuis, surmonter une série de contestations pour mener la réforme. PIERRE VERDY/AFP |