GARO/PHANIE Directsoir N°230/Jeudi 25 octobre 2007 10 ECONOMIE Brumisateur Evian Beauté à la source En 1958, l’eau d’Evian se contentait de « favoriser les teints frais ». Depuis, la marque phare de Danone a développé une ligne de cosmétiques, des spas et son fameux brumisateur, devenu l’accessoire fétiche des top models. Le géant de l’agroalimentaire s’offre une touche de glamour. CLAUDIA SCHIFFER S’EN ASPERGE LE VISAGE, EVA GREEN L’UTILISE SOUS SA CRÈME DE JOUR. Le brumisateur d’Evian appartient aujourd’hui au cénacle très convoité du rituel beauté des stars. Un véritable objet de désir. Les circonstances de sa naissance sont pourtant loin de présager un tel glamour. Pas de top model ni de James Bond girl au-dessus de son berceau, mais messieurs Entremont et Fabry, pharmaciens de leur état. Le brumisateur doit son existence à leur brillante intuition : le recours à l’azote comprimé associé à un diffuseur pour microniser l’eau en millions de gouttelettes. Il fallait y penser. C’est le glas des compresses à l’eau d’Evian, désormais on utilisera le brumisateur pour traiter les affections dermatologiques. On pressent déjà le potentiel. Du produit de soin au rituel de beauté. Interview d’une SPÉCIALISTE DR Dès 1962, le brevet est déposé en France et à l’étranger. Ses débuts de carrière restent cependant confinés à l’enceinte de l’hôpital. D’abord utilisé dans les services pour grands brûlés, le brumisateur va réussir ensuite une percée dans les maternités. Mais « c’est seulement à partir de 1967 que le brumisateur va être proposé au grand public », se souvient Dirk Holzapfel, vice-président du marketing export. A l’époque, il s’agit encore d’un marché de niche. DES GRANDS BRÛLÉS AUX NIGHT-CLUBBERS SURCHAUFFÉS Son heure de gloire, le brumisateur va la connaître lorsqu’il va dépasser la sphère thérapeutique pour aller irriguer les terres nettement plus fertiles de la beauté. Il se taille des coudées franches dans les coulisses des défilés et devient la base incontournable des maquilleurs. Vendu dans les parfumeries de luxe à l’étranger (notamment chez Saks à New York), il bénéficie de cette aura de pureté alpine, unique et toute française. Progressivement, le brumisateur devient le geste fraîcheur « fashionable » par excellence. Evian l’a bien compris et édite des séries limitées, notamment à l’occasion des Opens de tennis de Wimbledon et de Melbourne. Et si l’on s’asperge dans les gradins du Grand Chelem, on se brumise tout autant dans les night-clubs de Shanghai, ou sur les plages de Palm Springs. Pour Dirk Holzapfel, « la force de la marque, c’est d’associer cette double compétence santé et beauté, le glamour en plus ». Une assise que ne peuvent revendiquer ses concurrents : « Avène reste confiné sur le créneau dermatologique, quant à la Brume fixante de Mac, elle demeure avant tout un produit cosmétique. » Près de 8 millions de brumisateurs vendus en 2007. L’AVENTURE DES COSMÉTIQUES En 2001, le brumisateur a beau être un accessoire beauté, Danone craint de brouiller son image de marque en se lançant sur le créneau du cosmétique. Mais quelques enquêtes plus tard, le leader de l’agroalimentaire est rassuré. Pour les consommateurs, le lien entre Evian et la beauté coule de source. Reste qu’il est difficile de se tailler une place au soleil sur ce marché ultra-compétitif. Ainsi, Vittel a connu un succès mitigé face aux grands du secteur que sont Diadermine (Henkel), Plénitude (L’Oréal) et Nivea (Beiersdorf). Le groupe français se marie au géant des cosmétiques Johnson & Johnson. Dans la corbeille, Evian dépose son eau et son image, mais c’est l’Américain qui assumera les coûts de produc- Anne Thévenet-Abitbol Directeur prospective et nouveaux concepts du groupe Danone Quelle est la place de la beauté dans la stratégie de la marque ? C’est une extension de la marque. Les gens qui boivent l’eau d’Evian sont aussi à la recherche de bien-être. C’est la finalité des spas, mais aussi des cosmétiques. L’eau y joue un rôle central. Les spas de Buenos Aires et Shanghai participent au rayonnement d’Evian. Vous savez, c’est une marque très « life style ». A l’étranger, les bouteilles sont généralement vendues trois fois plus cher qu’en France : c’est une marque « aspirationnelle » On se brumise dans les gradins du Grand Chelem de tennis comme dans les night-clubs de Shanghai. qui signe un style de vie, celui d’un club de happy few, très connaisseurs. Est-ce un secteur que vous allez développer ? Nous recevons de nombreuses propositions d’Asie, des Etats-Unis ou d’Allemagne, de candidats souhaitant créer des cosmétiques ou des spas avec nous. Mais notre expertise reste avant tout la production et la distribution d’eau d’Evian, on ne peut pas dire oui à tout. Nous restons cependant ouverts à des opportunités exceptionnelles comme l’a été le spa de Shanghai, tion et de distribution. Au-delà des retombées financières, l’objectif de Danone est surtout de valoriser Evian en pratiquant le « stretching » : comprendre l’extension de marque. La ligne, baptisée Evian Affinity, s’appuie sur les valeurs de l’eau, sa pureté et son naturel, finalement « l’occasion de faire deux fois plus parler de la marque », explique Anne Thévenet-Abitbol, directeur prospective et nouveaux concepts pour Danone. A grand renfort de publicité, les nouveaux venus s’octroient jusqu’à 6% des parts du marché. Un beau succès. Les produits liés à l’hydratation et l’oxygénation séduisent la clientèle. Mais le lien est moins évident avec les antirides. Lancée en 2004, la gamme Lift est finalement abandonnée. Aujourd’hui, la ligne de cosmétiques, circonscrite à la qui sert le rayonnement d’Evian. Envisagez-vous d’autres extensions de marque ? Il est clair qu’Evian fait partie de ces marques iconiques qui signent un style de vie. Elle permet de toucher à un monde glamour et cosmopolite : c’est plus qu’une simple bouteille d’eau, c’est une expérience. Et tout ce qui permet de vivre une expérience avec cette marque peut être envisagé. Cela peut aller du plus concret, comme des bars, des spas, des hôtels… au plus virtuel, comme aujourd’hui avec la présence d’Evian sur Second life. DR |