RENCONTRE [Meet] Par Gérard Martin - Photos : Szu-wei Wu CLÉMENTINE DELUY UNE GRANDE DANSEUSE A tall tale Elle est brune, fine et grande, très grande : 1,80 mètre ! Un beau visage méditerranéen, les yeux noirs et un sourire craquant. En un mot, une splendide jeune femme. Clémentine, Marseillaise, fille de Daniel Deluy, architecte bien connu dans la cité phocéenne, entre deux avions et 8 heures de danse quotidienne, nous accorde une longue interview alors qu’elle est de passage dans sa ville natale pour les fêtes de Noël. Rebelle la belle Clémentine ? Elle a su surmonter avec obstination de nombreux obstacles avant de vivre sa passion, danser, et, qui plus est, dans la compagnie légendaire de Pina Bausch. Sa vocation commence, elle a alors 2 ans, en tutu blanc. Elle n’en finit pas de pirouetter dans le salon de ses parents, avant de suivre les cours de danse de Titus et Elena Pomsar. Puis, c’est l’Opéra de Marseille jusqu’en 1993, le studio du 6 e étage, où elle travaille sous la direction de Roland Petit, et tout naturellement rejoint l’École nationale de danse de Marseille, dès son ouverture. Mais déjà, par sa taille inhabituelle, Clémentine dépasse d’une tête ses petites camarades et fait « tache » dans le corps de ballet. Son défaut majeur – 1,72 mètre alors qu’elle est encore enfant – se fait lourdement sentir. On veut l’exclure de la création que Roland Petit produit sur le Vieux Port, mais son professeur lui permet malgré tout d’intégrer le spectacle. Un parcours difficile. On lui répète qu’elle ne sera jamais une danseuse. Et pour le classique, c’est raté… Le vilain « grand » canard devient cygne Catherine Verneil, danseuse de Béjart, l’encourage et Larrio Ekson, acteur danseur de l’avant-garde new-yorkaise et partenaire de danse de Carolyn Carlson, lui conseille de se tourner vers le contemporain. Clémentine se présente au Conservatoire national supérieur de musique et danse de Lyon et y découvre notamment les répertoires et la technique de Merce Cunningham. Une immersion qui durera deux ans. Une fois encore, Clémentine est confrontée au refus d’un de ses professeurs. Pleine de doutes, elle songe abandonner, mais le soutien de ses parents lui permet de résister. Elle passe son bac et, à 19 ans, après ses nombreux échecs en France, part en Allemagne se présenter à la Folkwang Hochschule, à Essen. Clémentine devient élève de Dominique Mercy, dont chacun connaît le travail avec Pina Bausch au Tanztheater Wuppertal, et de Malou Airaudo, Marseillaise comme elle. Ses complexes s’évaporent, Clémentine apprend la décontraction et prend un important recul par rapport à ses expériences douloureuses. Durant trois années, cette école la nourrit d’un travail inspiré de Pina et elle danse, danse. Elle danse enfin et participe au légendaire Sacre du Printemps. Après ses études, elle rencontre Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola et Luc Dunberry. Juan la présente à la chorégraphe Sasha Waltz. À la suite de sa première création, Nobody, Sasha l’engage dans sa compagnie, Sasha Waltz and Guests. La jeune femme découvre le travail des portés, de duo et, surtout, Il est des passions pour lesquelles un profil de top-modèle est un véritable handicap. Pas pour Clémentine Deluy, danseuse dans la prestigieuse compagnie de Pina Bausch. -/In ballet, a top-model physique is a distinct handicap. But not for Clémentine Deluy, dancer with the prestigious Pina Bausch company. -/She’s a tall, slender brunette. In fact very tall : 1.80m ! She has a lovely Mediterranean face with dark eyes and an irresistible smile. A splendid young woman. Despiteeight hours of dance daily and numerous rehearsals, Clémentine Deluy found time to give us a long interview between flights when she went back to her home town of Marseille for Christmas. Is the lovely Clémentine a rebel ? Stubborn, anyway. She had many obstacles to overcome before she could live her passion for dance, and live it, moreover, in Pina Bausch’s legendary troupe. She found her vocation at the age of two, pirouetting around her parents’sitting room in a white tutu even before she started classes with Titus and Elena Pomsar. Next came the Marseille Opéra ballet school, where she worked under Roland Petit. In 1993 she joined the new École Nationale de Danse in Marseille, also under Petit. But Clémentine was already a head taller than her classmates, as was all too visible in the corps de ballet. Already a lofty 1.72m, she suffered badly for her height. She was almost excluded from Roland Petit’s piece performedonthe Vieux Port, though in the end her teacher let her stay. She was forever being told she would never be a dancer. That classical ballet was out of the question. From oversized duckling to beautiful swan Carolyn Carlson’s dance partner Larrio Ekson, actor and dancer of the New York avant-garde scene, advised her to try contemporary dance. Clémentine applied to the Conservatoire in Lyon and there discovered the Merce Cunningham repertory and technique. She spent two years immersed in that. But once again she was faced with a refusal by one of her teachers. She thought of givingup, but her parents’support helped her to persevere. She passed her baccalauréat and at the age of 19, after so many setbacks in France, left for Germany where she applied to the 24 | MARS-AVRIL 2013 - www.cotemagazine.com |