Sentir | Sent L’acte poétique Julien Blaine évoque Antonin Artaud -/The poetic act Julien Blaine recalls Antonin Artaud Par Gérard Martin Photo : Jean-Marie Juan « Oui, oui, moi, Antonin Artaud, 50 piges, 4 septembre 1896, Marseille, Bouches-du-Rhône, France, je suis ce vieil Artaud, nom étymologique du néant. » * C’est la déclaration identitaire du poète, dont la folie n’éclipsa jamais le génie. -/ « Yes, yes, me, Antonin Artaud, 50 years old, 4 September 1896, Marseille, Bouches-du-Rhône, France, I’m old Artaud, the etymological name of nothingness. » * Such was the declaration of identity of a poet whose madness never eclipsed his genius. Quand la poésie prend corps à Marseille, elle se fait sonore, parfois s’éructe ou s’édite. Julien Blaine a croisé les genres, créant sa propre revue Les carnets de l’Octéor dès l’âge de 20 ans et, depuis lors, s’est attaché à la mise en question de la publication, du support et de la poésie action. On doit à cet ancien adjoint à la culture une implication activiste : livres, édition de revues, expositions, performances… Une sorte d’archéologie poétique de la naissance du langage et de sa transformation. Et c’est bien à lui qu’il revient de célébrer Artaud et son œuvre : « Si Antonin Artaud revenait aujourd’hui à Marseille ? Je lui rappellerais que, pour le centenaire de sa naissance, j’ai organisé la première grande exposition de ses œuvres graphiques, époustouflantes ! Sorts, sortilèges, cris de poète, paroles jetées avec rage et intention… Antonin Artaud s’est rendu célèbre avec Pour en finir avec le jugement de Dieu. Sur ses pas, comme lui, je suis allé vivre auprès des chamans amérindiens. Nos réflexes chamaniques sont le véritable ADN du poète. Le théâtre et son double, Le théâtre de la cruauté sont aussi des pistes. Il n’y a ni théâtre, ni poésie sans rituels. L’acte poétique s’incarne dans la performance où l’artiste se met en danger. C’est ce que j’ai pratiqué toute ma vie. À commencer par Chute-Chut dans les escaliers de la gare Saint Charles ! » Poetry born in Marseille is vocal, vociferous and sometimes selfpublished. Julien Blaine has criss-crossed genres throughout his career, launching his own magazine, Les carnets de l’Octéor, at the age of 20, and subsequently dedicating himself to publishing, arts admin and action poetry. The city’s former director of culture is a committed activist, producing books, magazines, exhibitions and performances : a sort of poetic history of the birth of language and its transformation. And it’s to him we turn to celebrate Artaud and his work : « If Antonin Artaud returned to Marseille today ? I would remind him that, for the centenary of his birth, I organised the first major exhibition of his mind-blowing graphic works ! Spells and sorcery, the cries of a poet, words cast with rage and intent… Antonin Artaud found fame with To Have Done with the Judgement of God. I followed in his footsteps by living with Native American shamans. Our shamanic reflexes are the true DNA of the poet. There is no theatre, nor poetry, without ritual. The poetic act is embodied in performances where the artist puts himself in danger. This is what I have practised my entire life. Starting with Chute-Chut on the steps of the Gare Saint-Charles ! » * Janvier 1947, au théâtre du Vieux-Colombier, devant le gotha artistique et littéraire de Paris. 160 |