RENCONTRE [Meet]
Par Hélène Jourdan-Gassin – Photographies : Jean-Michel Sordello
DANS LES YEUX DE CORICE Through Corice’s eyes
LA RENCONTRE En 1967, Bernar Venet présente Corice à Arman dans un restaurant newyorkais fréquenté par les artistes, le Max’s Kansas City, où travaille son fiancé français. Apparemment sans lendemain, cette rencontre va pourtant se renouveler un an plus tard. Arrivée par bateau en France pour être présentée à sa future belle famille, la jeune Jemme ne parle pas français. Elle cherche du travail et, en épluchant les petites annonces, voit que la Siesta, à Antibes, cherche une danseuse. « Danseuse, je peux faire ça ! Pas besoin de parler ! », se dit-elle. Elle est engagée pour évoluer gracieusement sur un nénuphar. Un soir, Arman la voit de loin et s’exclame : « Ah ça, c’est pas français ! » Il s’approche, saute sur le nénuphar, enlace la jeune Jemme qui s’écrie : « Mais que faites-vous ! Arrêtez, jetravaille ! ». Une histoire incroyable digne d’un conte de féé ! L’artiste, venu voir ses parents sur la Côte d’Azur, s’en retourne à New York. Elle, qui avait quitté sa famille pour se marier en France, n’ose ni repartir, ni abandonner son fiancé. Amoureux fou, Arman mettra des mois à la convaincre detout quitter pour le retrouver. UNE VRAIE NEW-YORKAISE Corice est née aux Îles Vierges, mais ses parents s’installent à New York quand elle n’a que deux ans. Elle est d’abord mannequin, puis styliste dans la mode. Après leur rencontre, Arman lui met le marché en main : « Soit on ne se marie pas et tu continuesta carrière dans la mode, soit on se marie, mais j’ai besoin quetu sois complètement là pour moi ». Elle fait le second choix et dit ne l’avoir jamais regretté : « Il est devenu ma famille, mon amant, mon mari et, plus tard, un merveilleux père pour nos deux enfants ». En 2004, le plasticien, conscient du rôle de son épouse dans le développement de sa carrière, demande, par lettre manuscrite à Jacques Chirac, de lui remettre letitre de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Elle le recevra en 2009 (hélas après la mort d’Arman). LA NAISSANCE DE BIDONVILLE En 1968, sur les hauteurs de Vence, Arman commence à construire sa maison qu’il appelle Le Bidonville, au grand dam de son père. C’est une sorte detente, rêve d’architecte de Guy Rottier, belle à voir mais absolument pas pratique. « Nous l’avons rendu vivable en l’aménageant avec l’aide de son père, brocanteur à Nice. Au début destravaux, nous habitions une magnifique suite à la Colombe, à Saint-Paul-de-Vence. Lestransformations se sont faites au fur et à mesure, notamment la cuisine, minuscule initialement. J’ai appris
Dans sa luxueuse maison au nom antinomique de Bidonville, Corice Arman se laisse photographier parmi les œuvres de son mari. Mais sur ses lèvres, comme dans ses yeux, c’est un hymne à l’amour qui se révèle. -/ In her luxurious house paradoxically named “Slum”, we photographed Corice Arman surrounded by her husband’s artworks. In her eyes we read a hymn to love, reiterated on her lips.
-/ MEETING In 1967 Bernar Venet introduced Coriceto Arman in Max’s Kansas City, a New York restaurant popular with artists, where her French fiancé worked. Apparently a one-off meeting, but then a year later they again bumped into each other. Corice had sailed to Franceto meet her future inlaws. She was looking for work but didn’t speak French, then among the newspaper ads she saw that the Siestain Antibes was looking for a dancer, and thought : “Dancer, I can do that, you don’t haveto talk !” She was engaged to dance gracefully on a lily pad, where one night Arman spotted her. “Ah, that’s not French !” he exclaimed, rushed over, leapt onto the lily pad and hugged her. “What are you doing ?” she cried. “Stop it, I’m working !” A fabulous story, straight out of a fairy tale ! The artist was visiting his parents on the Côte d’Azur and afterwards returned to New York. Corice had left her family to get married in France and didn’t dare return or abandon her fiancé. A madly-in-love Arman spent months persuading her to dump everything and join him. A TRUE NEW YORKER Corice was born in the Virgin Islands but her parents moved to New York when she was just two years old. She worked first as a model, then as a fashion designer. After they met, Arman laid his cards on thetable : “Either we don’t get married and you continue your fashion career, or we get married, but I need you to betotally there for me.” She chosethe latter and says she has never regretted it. “He became my family, my lover, my husband and later a fantastic father to our two children.” Wellaware of the huge part his wife had played in the development of his career, in 2004 the artist sent a hand-written letter to Jacques Chirac asking him to make Corice a knight of the Order of Arts and Letters. She received that distinction in 2009, sadly, after Arman’s death.
Page de droite : Derrière Corice, une incroyable accumulation de combinés téléphoniques signés Arman.
24 | JUIN 2012 - www.cotemagazine.com
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