À L’ORIGINE, LA DÉMARCHE CRÉATIVE Finalement, tout ceci ne serait qu’une affaire de gros sous ? Non, car cela s’avère bien plus complexe. « Les relations qu’entretiennent les deux univers, l’art et le design, doivent être analysées sous un autre angle, celui de la démarche à l’origine de la création. Et il arrive souvent qu’il n’y ait aucune différence entre les deux », explique Pascal Cuisinier. Un exemple avec le Richard III de Philippe Starck. Ce modèle en plastique moulé, édité à plus de 100 000 exemplaires au début des années 80, est une réinterprétation postmoderniste du fauteuil club des années 30. Jusqu’ici, pas de quoi se pâmer… Sauf que, dans ce cas précis, derrière ses formes épanouies évoquant les codes classiques du confort, le fauteuil est… creux ! « Nous avons ici une pièce qui fonctionne exactement comme une œuvre d’art. Elle est porteuse, à travers sa conception, sa réalisation et son esthétique, de sens et d’un discours. En l’occurrence, ici, la dénonciation d’une société creuse ne s’intéressant qu’à une croûte esthétique superficielle et sans signification. » CQFD ! Le design peut donc investir leterritoire des arts plastiques. Et inversement ? Oui, et de plus en plus à l’avenir. C’est la thèse que défend Pascal Cuisinier. Pour lui, les arts plastiques du XXIe siècle adoptent et adopteront de plus en plus l’un des modes de fonctionnement du design : le régime allographique. En clair, la pièce n’est plus fabriquée par la main de son auteur, comme c’est le cas dans le mode autographique, mais par autrui, qu’il soit homme ou machine. De ce fait, l’objet perd son statut de pièce unique et peut « potentiellement » être produit en série. L’acte de création se situe donc au niveau du concept même de l’œuvre. Ce qui est déjà la marque d’artistes contemporains comme Maurizio Cattelan, Anish Kapoor ou encore Jeff Koons… • *
ARTY ARTISTRY
La Tinker Chair de Ron Arad s’est vendue à 167 830 euros chez Artcurial. C
© Artcurial
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THE UNDERLYING CREATIVE PROCESS So is it all really about big money ? No, it’s a lot more complex than that. “The relationship between art and design should be analysed from a different angle, that of the process underlying creativity. Often there is no difference between thetwo,” Pascal Cuisinier explains. An example is Philippe Starck’s Richard III chair. This model in moulded plastic, produced in a series of 100,000 in the mid-80s, is a postmodernist reinterpretation of the 1930s club armchair. Nothing extraordinary so far. But the chair’s generous appearance evoking the classic attributes of comfort beliesthe fact it’s… hollow ! “Here we have a piecethat functions exactly like a work of art. Through its conception, realisation and aesthetics it communicates a meaning and a message, in this case denouncing a hollow society interested only in aesthetic but meaningless outward appearance.” QED ! So design can invadethe preserve of the visual arts. And vice versa ? Yes, and increasingly in the future, according to Pascal Cuisinier. He believesthat in the 21st century the visual arts are adopting, and will increasingly do so, one of design’s functioning modes : the allographic, meaning a piece is no longer actually produced by its creator, as in the autographic mode, but by someone, or something (machine), else. Because of this the piece loses its “unique” status and can potentially be produced in series. So the creative act is limited to conceiving the work, something that is already the hallmark of contemporary artists such as Maurizio Cattelan, Anish Kapoor and Jeff Koons. •
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www.galeriepascalcuisinier.com
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Avec Richard III, Philippe Starck dénonce une société creuse à la recherche d’images superficielles.
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mai 2012 www.cotemagazine.com
© D.R.
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